ÉTATS GÉNÉRAUX DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE-FRANÇAIS LANGUE SECONDE
16-17 JANVIER 2006 A PARIS

Compte-rendu deS TRAVAUX


Synthèse de l’atelier III
« Métier : débouchés et emplois »


III. 1. Le marché de l’emploi et l’évolution des métiers

Etat des lieux :

On peut penser que dans le contexte de la mondialisation et du renforcement européen, la demande en apprentissage des langues et donc du français ne puisse qu’augmenter.

On constate d’ailleurs que la politique linguistique se fait plus aujourd’hui au niveau européen (niveau-seuil, Cadre européen commun de référence pour les langues) qu’à un niveau national où un certain désengagement s’opère sur la question malgré les discours de façade.

Petite géographie du domaine professionnel du FLES :

Opposition entre FLES en France et FLE à l’étranger

Existence de plusieurs sous domaines distincts exigeant une diversification de la formation :

En France :

  • secteur social : lien confus et problématique entre FLES et alphabétisation ou traitement de l’illettrisme

  • secteur scolaire : problème de la langue de scolarisation

  • secteur marchand : diversification de l’offre et de la formation entre enseignement classique des langues et autres moyens d’acquisition (centres universitaires , privés, centres de ressources, Tice, voyages et séjours linguistiques, consommation culturelle en français…)

  • A l’étranger :

  • secteur scolaire : coopération éducative, ingénierie éducative

  • secteur marchand : cf. ci-dessus diversification de l’offre et de la formation entre enseignement classique des langues et autres moyens d’acquisition (centres universitaires, privés, centres de ressources centre ressources, Tice, voyages et séjours linguistiques, consommation culturelle en français…)

  • Ajoutons que cette demande en FLES évolue vers le bi ou le plurilinguisme ce qui exige des qualifications du même type des intervenants dans le cadre d’un enseignement de langue ou d’une éducation linguistique (séjour, loisirs…)

    Cette demande ne peut être satisfaite que simultanément par une politique publique et par des propositions privées.

    La politique publique a deux cibles :

  • la diffusion du français hors de France par les services du MAE

  • le renforcement du français en France en particulier lors de l’accueil des populations immigrées. Dans ce dernier cas, on peut séparer la question des publics scolaires relevant du MEN et celle des adultes relevant de celui des Affaires sociales etc.

  • Les propositions privées concernent :

  • les publics solvables désireux de développer une maîtrise du français pour des raisons professionnelles ou personnelle

  • Or face à ces besoins variés force est de constater :

  • la disjonction existant entre le discours politique sur les langues et en particulier sur le français et la pratique réelle des Ministères concernés ou globalement de l’Etat.

  • La marginalisation de l’activité d’enseignement du français dans le secteur public

  • la précarité des professionnels du FLES intervenant dans le secteur privé comme dans le secteur public d’ailleurs

  • Propositions :

    Politique pratique des langues :

    Rappeler tout d’abord, à un niveau européen, que la formation et la langue ne sauraient être considérées purement comme des marchandises.

    Demander à l’Etat une plus grande adéquation entre ses discours d’intention et la réalité des moyens mis en œuvre pour leur réalisation

    - à l’étranger (dans les services culturels etc…)

    - en France dans le double secteur

  • ministère de l’éducation nationale : professionnalisation de l’accueil linguistique des Enfants Nouvellement Arrivés en France (ENAF), créer des master sur plusieurs compétences

  • ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  : accueil linguistique et culturel des populations immigrées (primo arrivants, résidents)

  • Demander aux divers ministères impliqués comme aux employeurs publics ou privés une meilleure reconnaissance des Diplômes professionnels en FLES comme une plus grande valorisation des acquis de l’expérience.

    S’adresser aux organismes Européens pour demander, en vue d’un développement d’un plurilinguisme, la cohérence entre discours politique et moyens que la France ne parvient pas à assurer dans sa politique propre des langues.

    Demandes pratiques :

    Demander au MAE et au MEN de mettre en cohérence les besoins en FLES s’exprimant hors de France et les ressources humaines et professionnelles disponibles en France (cohérence entre formation et réalité du champ exigeant une réorganisation).

    Au delà d’une critique du désengagement actuel de l’état de ses missions relatives à la cohésion sociale dont la langue constitue un élément essentiel. Travailler à la structuration de notre domaine professionnel dans ses différents secteurs de façon à répondre à des besoins sociaux non satisfaits :


    III. 2. La situation statutaire des enseignants et formateurs FLE

    Cet atelier concernait la problématique des contrats de travail, de l'embauche et de la qualification des enseignants et formateurs en FLE – FLS. Employeurs et employés y ont participé dans le but commun de faire évoluer la situation.

    Les propositions faites par les participants de cet atelier sont les suivantes:

    1/ En ce qui concerne les enseignants et formateurs sous contrat de droit public :

    Pour l'enseignement primaire :

    Obligation d'une formation FLE – FLS pour tous les enseignants du primaire ayant à accueillir des élèves migrants non francophones

    Obligation de formation FLE – FLS (niveau Master 1 ou par la mise en place d'une licence professionnelle) pour tous les acteurs des CLIN et des CLAD.

    Les rectorat responsables du recrutement doivent prendre leurs responsabilités et les syndicats doivent les leur rappeler.

    Ces formations doivent être prises en compte lors des recrutements.

    Pour les enseignants du secondaire :

    Aménagement à très court terme des certifications existantes afin que la spécificité FLE – FLS apparaisse réellement

    Création d'un nouveau CAPES ayant pour élément principal le FLE – FLS (les modalités pratiques restent à définir avec comme objectif possible la création de CAPES bi-langues)

    La mise en place de jurys compétents (comprenant au moins un spécialiste FLE – FLS ) pour la certification complémentaire des enseignants afin que celle-ci ne se base pas seulement sur des dossiers.

    Pour les centres universitaires publics :

    Obligation de confier les missions d'enseignement du FLE – FLS à des enseignants formés (niveau Master 1 minimum) et ayant des conditions de travail acceptables.

    Vigilance quant à la mise en place des CEF (Centre pour les études en France) qui pourrait entraîner la délocalisation des missions assurées actuellement par les centres universitaires.

    De façon générale, il est demandé à toute institution publique d'offrir des contrats de travail décents à leurs enseignants. Les vacations ne pourront être assurées que par des personnels formés FLE – FLS ayant un emploi principal. Les personnels vacataires n'ayant pas d'emploi principal doivent se voir proposer rapidement des contrats d'enseignants contractuels, afin de les sortir de la grande précarité dans laquelle ils vivent, et ce, sous la supervision des syndicats.

    2/ En ce qui concerne les enseignants et formateurs sous contrat de droit privé :

    Discussions entre syndicats et employeurs autour du concept d'intermittence de la profession (possibilité de se calquer sur le statut actuel des intermittents du spectacle?)

    Mise en place par les syndicats et les employeurs d'un référentiel professionnel.

    Aménagement rapide de la convention collective des formateurs afin qu'elle intègre le domaine du FLE – FLS. Il faut également que tout organisme employant des enseignants et formateurs FLE – FLS soient conventionnés (pour éviter que les employés soient payés au SMIC horaire).

    Négociations entre les différentes parties concernées pour la création d'une nouvelle branche professionnelle FLE – FLS et d'une convention collective des professionnels du FLE – FLS.

    Dans le domaine de la formation, les collectivités locales doivent s'engager sur la voie du respect des qualifications des personnels qu'elles emploient directement ou indirectement.

    3/ Pour les personnels travaillant à l'étranger :

    Contrôle par les ministères concernés et par les syndicats des CEF (Centre pour les études en France) et des conditions de travail et de recrutement des enseignants assurant les cours de français validés par ces centres.

    Nous souhaitons également que les organismes dépendant de la France (tels les Instituts Français ou les Alliances Françaises) privilégient un recrutement sur contrat de droit français. Tout doit être mis en oeuvre pour que les enseignants et formateurs en FLE FLS voient leurs compétences reconnues à leur juste valeur, aussi bien en France qu'à l'étranger.

    4/ Comment agir :

    Une proposition tout à fait défendable a été émise par certains participants : la création d'une association qui regrouperait tous les acteurs de ces EG et au-delà. Après discussion, il est apparu cependant que personne ne se sentait prêt à assurer la mise en place d'une association et de son suivi (déposer des statuts, etc.) et qu'il valait mieux faire fonctionner l'existant, notamment en sollicitant avec plus de détermination les syndicats et les associations existantes.

    C'est pour cette raison que nous avons souhaité sonder les participants de ces EG afin de savoir dans quelle mesure chacun était prêt à adhérer à un syndicat, quel qu'il soit, et devenir plus opérationnel. Les syndicats ont des connaissances plus poussées que nous et nous avons eu l'occasion de nous en apercevoir lorsque des représentants du Snesup et de la CGT ont pris la parole.

    Mais en aucun cas nous n'avons souhaité faire du prosélytisme syndical. Nous ne pouvons pas négocier directement avec les responsables de l'État. Nous pouvons par contre être une force de réflexion, de coordination et d'action. Il faut essayer de s'engager et d'engager l'ensemble du secteur FLE-FLS, institutions et associations représentatives (l'ADCUEF (Association des centres universitaires d'études françaises pour étrangers), l'Asdifle et la Fipf entre autres).

    La labellisation des centres FLE mise en place par le CIEP offre également l'opportunité de faire connaître nos revendications. Les membres du comité de suivi des États généraux, qu'ils soient directeurs de centre ou enseignants, comptent s'engager encore plus dans l'élaboration de cette labellisation.

    Ces États Généraux ont engagé une responsabilité collégiale à tous les niveaux. Ils ont permis de fonctionner comme un carrefour où le secteur public rencontre le secteur privé, l'Université le monde associatif du secteur social (Cf. l'AEFTI qui, comme on l'a vu, peut nous apporter son expérience, et ce n'est pas la seule association...), les employeurs les employés et, même si c'est dans une moindre mesure, les enseignants de l'étranger et les enseignants de l'Hexagone.

    De nos engagements actuels, internationaux, nationaux et locaux, dépendra l'avenir du FLE-FLS et de ces acteurs.


    III. 3. La perspective des employeurs

    Il s’agissait lors de ce sous atelier d’aborder la situation statutaire en prenant le point de vue des employeurs. Les échanges entre responsables de centres publics et universitaires et ceux de centres privés non universitaires ont permis de mieux comprendre la complexité de la situation statutaire des enseignants de FLE.

    Il faut constater que peu d’employeurs participaient à ce sous atelier, et surtout les responsables de centres qui mettent en place de mauvaises pratiques n’étaient pas présents. Cependant, chacun a pu témoigner de la façon dont il fait face aux contraintes importantes du secteur, et partager ses amorces de solutions

    1. Le privé et le public : deux mondes différents ?

    Le secteur public et le secteur privé sont deux mondes qui s’ignorent quand ils ne rivalisent pas et ils ont rarement l’occasion de partager leurs idées. Aujourd’hui les différences entre les deux secteurs ont tendance à s’estomper :

    Le public fonctionne comme le privé et le privé assure des missions de service public.

    Dans le public, il y a les services communs et les centres rattachés aux universités qui sont des associations régies par le droit privé. Le public intègre des pratiques commerciales qui sont celles du privé. Public et privé ne se distinguent plus au niveau de leur activité.

    Ce constat pose la question de la place des centres de FLE au sein de l’université, centres qui font payer (cher) les étudiants étrangers, qui « détournent » des fonctionnaires pour travailler dans des structures privées…

    Qu’ont d’universitaire les centres des universités ? En dehors de permettre aux stagiaires d’obtenir une carte d’étudiant, si certains centres lient recherche et formation, beaucoup sont un lieu d’accueil d’étudiants étrangers et leur activité n’est pas différente de celle des centres privés non universitaires.

    Cette question se pose au sein même de l’université, certains pensant en effet que le FLE doit être l’affaire des Alliance Françaises et des CEF (centres d’études en France) à l’étranger.

    2. Les contraintes des employeurs

    Public et privé exercent donc le même métier et subissent les mêmes contraintes : notre activité est fluctuante, aussi bien sur l’année que d’une année sur l’autre. Les possibilités de créer des emplois permanents dans le public comme dans le privé sont donc restreintes. La distinction public privé réapparaît cependant au niveau de l’embauche des enseignants, la question du statut étant liée à celle de la structure.

    2.1. Le privé

    La convention collective adoptée par la majorité des centres privés de FLE est celle des organismes de formation. Elle a, pour les employeurs, l’avantage de prendre en compte la nature discontinue de l’activité. Elle prévoit l’embauche sous

  • CDI. Si les centres ont des enseignants permanents, la gestion des flux d’étudiants empêche le fonctionnement avec uniquement des permanents.

  • CDD d’usage (il est « d’usage » de ne pas recourir à des CDI) peuvent être renouvelés sans limite de délais de carence.

  • CDII (contrat à durée indéterminée intermittent). Contrat attractif sur le papier mais qui, tout en assurant aux enseignants un nombre minimal d’heures sur l’année, ne leur procure aucune garantie de travailler plus. Comme il s’agit d’un CDI (à durée indéterminée) il ne permet pas aux enseignants d’avoir les droits dus à la précarité de leur statut, en particulier le droit à l’assurance chômage pendant les périodes non travaillées. Son seul avantage est de donner un employeur principal à l’enseignant lui permettant d’assurer des vacations dans le public.

  • Il faut rappeler que certains centres privés de FLE ont du mal à survivre : prud’hommes, mises sous tutelle, mises en liquidation…

    Les responsables de centres privés constatent que l’enseignant de FLE ressemble à un intermittent sans en avoir le statut. Nous recrutons des enseignants qui par nécessité mais aussi par choix font des heures dans plusieurs structures. Les parcours des enseignants de FLE sont souvent des parcours atypiques.

    L’activité des centres de FLE est par nature intermittente, elle touche à un domaine, la promotion et la diffusion de la langue française à l’étranger, donc l’image de la France dans le monde, proche de celui de la culture pour lequel « l’exception culturelle » a été décidée. On pourrait imaginer un statut de l’enseignant de FLE comparable à celui d’intermittent du spectacle. L’enseignant de FLE pourrait être pris en charge par le régime d’assurance chômage pendant les périodes creuses non travaillées. Le problème, bien entendu est : qui va prendre en charge ce régime social ?

    Certains centres ont recours au portage salarial : on facture une prestation de service à une société qui cotise pour l’enseignant. L’enseignant est un travailleur indépendant avec les avantages d’un salaire. Il serait intéressant de creuser cette solution.

    2.2. Le public

    Ce qu’on appelle secteur public fonctionne selon deux modes différents : certains centres sont des services communs des universités, d’autres sont rattachés à l’université et sont gérés par une association.

    Les services communs sont régis par le doit public : on n’y embauche que des titulaires ou des vacataires. C’est la structure même de l’université : on y entre que par concours et il ne peut y avoir de contractuels. On recrute des PRCE (professeurs certifiés du secondaire), des PRAG (professeurs agrégés), des MCF (maîtres de conférence). Les enseignants du secondaire sont détournés vers le supérieur et les postes de MCF ne correspondent pas toujours à la qualification.

    Un CAPES de FLE ou un CAPES bilangue avec option FLE ne changerait rien aux possibilités de recrutement. Cela permettrait de travailler avec des enseignants mieux formés.

    70% des cours dispensés dans les centres publics sont assurés par des non titulaires. Mais comment salarier des enseignants ? La réponse est variable d’un établissement à l’autre mais les solutions trouvées sont toujours à la limité de la légalité.

    Le recours à la vacation pose le problème de l’employeur principal, de l’âge de l’enseignant (+ou– de 29 ans), il y a parfois détournement de vacations administratives…

    Créer des emplois gagés pourrait permettre de résorber le flot de vacataires actuels.

    A noter : il y a des intermittents dans le public également : ce sont les TZR (titulaires sur zone de remplacement) qui sont des enseignants titulaires sans poste et à la disponibilité du recteur de l’académie.

    3. Propositions, engagements :

    Faire coopérer public et privé pour une meilleure lisibilité du secteur

    On a du mal à trouver un langage commun. Il y a pourtant possibilité d’être complémentaires en assurant des missions différentes. Les universités pourraient donner la parole aux professionnels du privé dans les formations FLE. D’une manière générale, elles prennent peu en compte le terrain que connaît bien le secteur privé.

    Le secteur est mal organisé. Au niveau local, régional, il y a moyen de centraliser les besoins et les compétences en FLE et de créer des synergies. Patrick Dubois propose la création de GIP (groupement d’intérêt public) pour gérer le marché du FLE, intégrant établissements publics et privés, avec un maire ou un président de région à la tête.

    Obtenir plus de transparence dans la politique d’accueil des étrangers en France

    Quelles mesures pour la politique linguistique de la France ? Quelle politique de délivrance des visas d’étudiants ?

    Les CEF (Centres d’études en France) qui se mettent en place dans de nombreux pays, ont pour but de canaliser les inscriptions et de sélectionner les étudiants afin de mieux contrôler les flux migratoires. Même si aujourd’hui, les CEF concernent essentiellement des pays à risque en matière d’immigration, ils vont avoir des conséquences sur les inscriptions dans les centres de FLE.

    Le label « qualité FLE » qui se met en place doit servir la promotion du français à l’étranger. Or, aucune politique de communication du label n’a été prévue.

    Renégocier le label

    Tel qu’il existe aujourd’hui el le label n’apporte aucune solution à la situation statutaire. Le label doit s’attaquer à la convention collective, à la fiscalité des centres et aux contrats.

    Créer une instance réunissant TOUS les acteurs du FLE

    En pérennisant la structure des états généraux, on créerait une sorte d’observatoire, et on en ferait un interlocuteur privilégié pour interpeller les autorités publiques.

    Participaient à ce sous atelier : Serge Borg et Gérard Ribot, animateurs, Isabelle Maréchal, rapporteur


    discours inaugural

    Liste des participants inscrits