Compte-rendu deS TRAVAUX
Pour une politique cohérente d’accueil et de scolarisation des enfants et adolescents migrants
Suite au constat de l’émiettement des dispositifs en place et de la précarité des emplois (en fonction des sources financières), il est nécessaire de lutter :
grâce à la création d’une commission multipartite dont nous serions les acteurs à différents niveaux.
La commission serait associée à un pilotage académique et national, avec mise en réseau des institutions en charge de l’accueil et du suivi des élèves et de la formation des enseignants.
● Articulation avec les curricula et les programmes nationaux,
Cet atelier a eu lieu le lundi 16 janvier, de 15h à 18h30. Il a rassemblé une trentaine de personnes, salariées ou bénévoles du secteur de la formation linguistique des adultes migrants, travaillant dans divers départements français, représentant plusieurs organismes de formation ou associations de quartier et un commanditaire de formation (Conseil Régional Ile-de-France).
Préambule
La mise en place de formations linguistiques pour des publics migrants adultes requiert une articulation cohérente entre :
les besoins de ces personnes (apprendre pour s’intégrer, pour réaliser son projet socioprofessionnel, pour réussir son projet d’installation…) ;
les démarches pédagogiques proposées par l’ensemble des acteurs investis dans les différents maillons des parcours de formation (depuis l’accueil jusqu’au droit commun – qualification, formation professionnelle) ;
les dispositifs de formation linguistique pouvant être suivis par ces populations, les différents financeurs entre eux (FASILD, conseils régionaux, collectivités locales et territoriales).
Une véritable clarification de la didactique du FLE-FLS en contexte d’immersion (en vue de l’intégration des personnes) semble indispensable pour que ces cohérences puissent enfin se mettre en place.
Des concepts sont eux aussi appelés à être explicités et traduits en pratique au niveau des trois niveaux d’observation décrits ci-dessus :
qu’entend-on par FLE / FLS / ALPHA ?
culturel ? interculturel ?
formation de base ?
maîtrise de la langue ?
La discussion en atelier s’est orientée autour de trois axes : l’impact de la mise en place du marché public pour la formation linguistiques des migrants, les intervenants auprès des publics migrants, les besoins de publics en situation d’immersion.
I– Besoins des publics en situation d’immersion
Constats / dysfonctionnements
Ruptures dans les parcours de formation linguistique.
Peu de cours proposés au-delà du niveau A1.1, donc accès limité à des formations qualifiantes ou au marché de l’emploi.
Illisibilité des possibilités de formations tant linguistiques que professionnalisantes.
Répétitions des contenus en formation linguistique d’un stage à un autre.
Problèmes de précarité sociale : revenus, logement, accès aux soins, transports.
Insécurité administrative et juridique : la menace du droit au séjour.
Propositions
Promouvoir une approche globale de la personne adulte migrante en formation : approche inter-active / inter-culturelle, accompagner sur le chemin de l’intégration.
Prise en charge de la formation linguistique au-delà du niveau A1.1 pour les adultes migrants.
Redéfinir la formation linguistique par rapport aux pré-requis des formations qualifiantes.
Adapter / revoir les pré-requis pour l’entrée en formations professionnalisantes / qualifiantes (type AFPA) pour des publics non francophones d’origine.
Qualifier l’expérience passée des adultes migrants en formation pour la réinvestir dans l’élaboration du projet professionnel dans le pays d’accueil (prise en compte des compétences acquises antérieurement), notamment par la VAE.
La formation linguistique doit être corrélée au projet professionnel et/ou social de la personne.
Croiser les référentiels métiers avec les besoins langagiers FLE/FLS.
Organiser un véritable accès au droit commun.
Expérimentation territoriale de parcours cohérents : monter des expérimentations pour mieux appréhender les besoins. Croiser la problématique de l’acquisition et de l’immersion > interroger jusqu’aux outils publiés.
II – Côté intervenants
Constats / dysfonctionnements
On observe une difficulté massive à identifier les compétences rattachées aux différentes fonctions sollicitées par le système de formation :
responsable pédagogique, coordinateur (trice), référent(e)
formateur, formateur-animateur
évaluateur
Le cumul des tâches et des responsabilités, organisées de façon peu visible et distincte, semble contribuer au brouillage des dispositifs et des formations, aussi bien pour les partenaires territoriaux que pour les publics eux-mêmes. Ces ambiguïtés contribuent également aux clivages et aux malentendus suscités entre intervenants salariés et bénévoles, en particulier pour certaines actions dites de proximité ou de socialisation.
Des décalages sont observés et vécus entre le passage de la formation universitaire et les pratiques de terrain. Méconnaissance des réalités et des publics semblent freiner la mobilisation de connaissances théoriques développées par la formation initiale. Le cloisonnement du fonctionnement universitaire – qui commence à s’ouvrir dans certains cas – encourage des fonctionnements éparpillés et parcellaires aussi bien en termes de champ et de discipline que de méthodologies pertinentes et adaptées.
De nouveaux métiers et des approches transversales émergent pour le traitement de la complexité des compétences plurielles sollicitées par les besoins des publics en situation d’immersion : sur les plans socioculturel, cognitif, psychoaffectif et linguistique, en particulier en termes de « rapport à la langue-culture et à l’appartenance » et de représentations sur l’acte d’apprendre, de parler, lire et écrire.
Propositions
Mettre en œuvre des recherches-actions et des formations-actions favorisant le décloisonnement du fonctionnement universitaire avec de véritables suivis et accompagnements à la construction de savoir-faire pédagogiques.
Construire des référentiels de compétences FLE-FLS pour les différents acteurs sollicités, aussi bien encadrants que formateurs et évaluateurs, en prise directe avec les publics.
Interroger les métiers connexes et les compétences sollicitées (en particulier en termes de communication interculturelle et distanciation).
Mettre en œuvre des expérimentations faisant appel à l’innovation en termes d’ingénierie (territoriale, formative et pédagogique) favorisant la cohérence des réponses FLE-FLS en contexte d’immersion.
Organiser des pilotages pluri-institutionnels pouvant être mis en place sur des plates-formes territoriales expérimentales.
Recruter des experts FLE-FLS parmi les financeurs institutionnels appelés à traduire en dispositifs les politiques publiques.
III – Impact de la mise en place du marché public
La mise en place du marché public a généré des dysfonctionnements à différents niveaux :
les partenaires territoriaux (évaluation / formation)
l’ingénierie territoriale et de formation (évaluation, entrée en formation)
la lisibilité des dispositifs
pour les structures
pour les publics
la construction de parcours de formation
la prise en compte réelle des anciens arrivés
les publics réfugiés
les salariés (ruptures, licenciements)
Propositions
Ø
La formation linguistique pour adultes migrants n’est pas une marchandise, ne plus appliquer le code des marchés publics à ce secteur d’activités (décision de l’Etat français).Ø
Mettre en place des appels à projets, à partir de l’estimation des formations à mettre en place sur tel territoire (évaluation des besoins réels de formation des publics en présence), avec des prix fixés/cadrés à l’avance, tenant compte des coûts réels de formation (impliquant un taux de rémunération décent des formateurs), projets évalués sur la qualité et non sur le coût.Ø
Reconnaître la compétence des associations et des organismes du secteur, se rattacher à la notion « d’utilité publique ».Ø
Garantir la compétence en FLE/FLS des commanditaires de formations.Mariela de Ferrari (CLP) - Véronique Laurens (Cimade) - 3 février 2006
1) Pour éviter la réduction de l’enseignement du français à sa dimension marchande, mise en place d’un système d’appel à projets avec prix fixés, en lien avec les besoins réels des publics visés, au lieu du système de marchés publics au moins-disant qui fait fi des besoins et des personnes.
2) Nécessité de remettre en cause certaines décisions ou modes de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères ou des postes qui dévalorisent le « désir de France » existant à l’étranger et cultivent une gestion du personnel opaque dans le recrutement des enseignants et cadres en poste hors de France pour diffuser le français. Le réseau des établissements français publics assurant la diffusion du français à l’étranger est riche de nombreux instituts et centres relevant directement du MAE ou conventionnés avec lui (réseau de l’Alliance française) mais aussi des établissements scolaires de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger http://www.aefe.fr) qui scolarisent bien au-delà des enfants de langue maternelle française à l’étranger et jouent également un rôle de diffusion. Le développement des nouveaux moyens de diffusion (radio, TV, Internet..) doit être prise en compte et le renforcement de TV5MONDE http://www.tv5.org est un élément positif. Néanmoins il ne rend pas caduc ce réseau humain riche en personnel compétent (ressortissant local ou français), pas plus que le développement de l’offre privée (associative ou commerciale) ou l’existence de réseaux scolaires locaux avec lesquels la France entretient des liens de coopération (souvent essentiels, par exemple pour le développement des classes bilingues). Les publics restent variés en âges et en motivations et l’apparition de nouveaux publics (géographiquement et culturellement) ne signifie pas l’effacement des anciens qui connaissent un renouvellement générationnel. Or le réseau des instituts connaît un affaiblissement inquiétant : fermetures partielles ou totales dues à des choix budgétaires et politiques, désengagement accéléré en Europe et ailleurs dont la cohérence même n’apparaît pas dans la politique de fermeture d’instituts et centres culturels français (le cas de celui de Vienne alors l’Autriche est à la présidence de l’UE). Il ne peut y avoir de cours de français spécialisé s’il n’y a pas en amont des cours généralistes. Cet enseignement ne doit pas être purement et simplement abandonné au secteur marchand, d'autant que la question des certifications linguistiques officielles se pose s'il n'y a plus d'organisme français pour en assurer l'organisation et le contrôle.
L’AEFE doit poursuivre son implication davantage dans l’enseignement précoce et prendre clairement en compte les élèves qui relèvent du FLS tout en amplifiant sa politique d’enseignement et de certification bilingue et binationale.
3) L’implication croissante des instances multilatérales francophones (OIF http://www.francophonie.org, AUF http://www.auf.org) est une donnée forte de l’évolution en cours. La politique de soutien à la fédération internationale des professeurs de français (FIPF http://www.fipf.org), renforcée comme opérateur de la Francophonie, tant au niveau mondial qu’au niveau des coordinations régionales (congrès continentaux ou régionaux) ne doit pas se traduire par un effacement de l’implication des acteurs français et des programmes bilatéraux. À quoi bon soutenir l’organisation du Congrès européen prévu à Vienne http://www.vienne2006.org en novembre prochain si le réseau d’enseignement et de certification (DELF, DALF) mis en place par la France en Europe se délite faute d’établissements et de spécialistes relevant d’une autorité française ?
4) Le ministère des affaires étrangères a créé de nouvelles structures pour améliorer l’offre à destination des candidats à des études supérieure en France, les CEF (centres pour les études en France) qui ont été ouverts en Algérie, en Chine, au Maroc, au Sénégal et en Tunisie (15 autres sont prévus ailleurs), alors que les antennes d’EduFrance sont au nombre de 350 à travers le monde. La demande de personnels spécialisés a évolué et évolue de manière significative ces dernières années. Les universités en charge de la formation dans le secteur de FLE/FLS doivent donc être particulièrement attentives à ces évolutions afin de définir des profils de formation en adéquation avec les demandes et besoins.
5) Création d’une cellule de veille sur la variété des publics et des besoins, en France comme hors de France, dans le cadre d’un Observatoire du français (FLE, FLS, et même FL « M », et français langue de l’école) qui comprendrait des représentants des différents partenaires et pas seulement des personnes plus ou moins auto-désignées.
préparation de l'atelier : Alain Schneider (empêché durant les
EG)
animation et compte rendu : Constantin Kaïteris, Nicole Koulayan, Fabienne Lallement