55 ans d'action linguistique
1945 | 1956 | 1959-1969 | 1969 | 1979 | 1984 | 1986 | 1990 | 1994 | 1998-1999
Création de la Direction générale des relations culturellesLe 13 avril 1945, est créée par ordonnance au sein du
ministère des Affaires étrangères, une Direction générale des relations culturelles
et des oeuvres françaises à l'étranger. Le ministre des Affaires étrangères de
l'époque, Georges Bidault, en définit ainsi les enjeux lors de la présentation de son
budget en 1946 : "Actuellement, la culture est, dans le domaine de l'expansion française, la carte maîtresse de notre jeu. Je pense que, particulièrement dans le domaine des échanges d'hommes (notamment par la venue de boursiers étrangers en France), les décisions que nous prendrons auront une influence décisive dans l'avenir proche et lointain sur la place de la culture française dans le monde, et indirectement sur l'influence politique et commerciale de la France." |
Cette première Direction générale des relations culturelles et des oeuvres françaises se dote d'émissaires dans les postes, les conseillers culturels, et s'attache les services de professeurs détachés du ministère de l'Éducation nationale.
La signature de nombreuses conventions culturelles accompagne la reconstruction du dispositif. Axé sur les zones traditionnelles d'influence de la France, cet effort porte en particulier sur la création d'établissements, centres culturels, écoles, lycées, ayant vocation à proposer un enseignement du français, en complément du réseau des alliances françaises, établissements de droit local affiliés à celle de Paris. Ainsi, sont ouverts les instituts de Beyrouth, Téhéran, Oxford, Port-au-Prince, Santiago, etc.
Des lecteurs de français et des professeurs mis à la disposition d'universités étrangères complètent ce dispositif qui s'appuie alors essentiellement sur des professeurs locaux, privés, pour la plupart, de tout contact avec la France depuis plus de cinq ans.
Dans le même temps, la langue anglaise connaît une expansion sans précédent et apparaît de plus en plus comme la langue du commerce et des techniques. Servie par le double appareil du British Council et des centres culturels américains, son développement est favorisé par la publication de méthodes d'apprentissage rapide.
En réponse à ce défi, de nouveaux outils pour l'enseignement du français sont progressivement mis en place :
méthodes pédagogiques
généralement élaborées sur le terrain comme le Cours de langue et de civilisation
françaises de G. Mauger (Alliance française) qui se vendra à deux millions
d'exemplaires ;
élaboration d'une grammaire et
d'un vocabulaire de base du français confiés en 1951 à l'École
normale supérieure de Saint-Cloud. À partir d'une étude scientifique d'un corpus
d'énoncés enregistrés au magnétophone allait naître le français fondamental,
socle d'un renouveau des méthodes d'enseignement du français langue étrangère ;
stages d'imprégnation en France
organisés par le Centre international d'études pédagogiques de
Sèvres (CIEP).
Avec l'émergence du tiers-monde dans le sillage de la décolonisation, les priorités changent progressivement. Répondre aux besoins de modernité que suscite l'accession à l'indépendance et former les élites de ces nouvelles sociétés constituent désormais des priorités. La promotion du français passe dès lors par la formation linguistique des nouveaux cadres qui participent aux premiers développements de la coopération technique. |
Cette évolution trouve sa traduction dans le nouvel intitulé de la direction qui devient, fin 1956, Direction générale des affaires culturelles et techniques.
Fin 1957, début 1958, les personnels français d'enseignement scolaire et universitaire qui travaillent au Maroc, en Tunisie, au Laos, au Cambodge, au Vietnam sont placés sous la tutelle d'un service de la coopération technique.
En 1966, les 7 500 enseignants en poste en Algérie rejoignent ce service qui prend le titre de Direction de la coopération technique gérant plus de 22 000 personnes.
Fin 1969, on relève la présence record dans le monde de quelque 27 000 enseignants français à l'étranger.
On distingue alors l'action des agents en coopération de celle des établissements français, culturels ou d'enseignement, dite traditionnelle ou de diffusion.
Phase d'expansion de l'action culturelle extérieureDeux plans quinquennaux permettent un sensible
accroissement des moyens :
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C'est l'époque où l'on considère que "là où l'on parle français, on achète français". Cette période est particulièrement féconde pour la production d'outils d'accompagnement à la politique linguistique :
diffusion de méthodes issues
des recherches sur le français fondamental, comme Voix et image de France, De
vive voix, développées par l'équipe de l'École normale supérieure de Saint-Cloud
dans le cadre du Centre de recherche et d'études pour la diffusion
du français (CRÉDIF) ;
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Un mouvement de recherche très actif en didactique du français langue étrangère,
aux marges de l'université, prend son essor. En 1959, est créé le Bureau d'enseignement
et de liaison pour l'enseignement du français dans le monde (BEL, qui
deviendra le Bureau d'études des langues et cultures - BELC),
bientôt suivi par différents centres ou associations rattachés à des universités, à Besançon (CLAB), Grenoble (CUEF), Vichy (CAVILAM), Nancy (CRAPEL)...
Autant de partenaires de la politique linguistique du ministère des Affaires étrangères
pour aider les professeurs de français étrangers sur le terrain, quelque 900 000
enseignants qui, dans le monde, assurent au quotidien l'enseignement du français et
jouent souvent un rôle déterminant quand le choix des langues est soumis au jeu de la
concurrence. Parallèlement des associations à vocation internationale sont créées : en
1961, est fondée l'Association des universités partiellement ou
entièrement de langue française (AUPELF) et en 1969, la Fédération
internationale des professeurs de français (FIPF).
L'élargissement des compétences de la Direction générale à la coopération scientifique entraîne une restructuration interne ; l'action linguistique qui relevait de la coopération technique est intégrée au service de l'enseignement et des échanges linguistiques.
À compter de cette date, la culture scientifique fait son entrée à la Direction générale : à Voltaire et au nouveau roman viennent s'ajouter les communications satellitaires, la caravelle, le paquebot France et l'atome.
Tandis que la coopération s'élargit à de nouveaux pays, un débat est progressivement engagé sur les moyens affectés par l'État à l'action culturelle extérieure et sur le rôle des enseignants :
l'action des établissements
d'enseignement français est sensiblement recentrée sur une fonction d'accueil des jeunes
Français, de façon à faciliter l'expatriation indispensable à l'effort d'expansion
économique ;
les établissements culturels
sont invités à renforcer leur rôle de vitrine des technologies françaises ;
l'enseignement direct assumé
par des enseignants est progressivement réduit au profit d'actions plus structurantes
confiées à des assistants et conseillers pédagogiques.
Des bureaux pédagogiques, créés au sein des services culturels, reçoivent mission d'améliorer la qualité de l'enseignement du français à l'étranger à travers :
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Cette action s'appuie, en France, de plus en plus sur le relais des centres de formation et de recherche dans le domaine du français enseigné aux étrangers.
Les travaux sur l'enseignement du français spécialisé se développent. Une méthode spécifique, Le français scientifique et technique, est éditée en 1971, les séminaires sur le "français fonctionnel" se multiplient.
La recherche en didactique des langues trouve un nouveau terrain grâce au Conseil de l'Europe qui réalise des recueils d'actes de paroles, dans différentes langues européennes. Le Niveau-seuil pour le français, qui paraît en 1977, permet de concevoir des méthodes adaptées aux besoins et motivations des apprenants et aux "exigences changeantes de la société", selon les termes des auteurs.
Du rapport Rigaud au projet culturel extérieur de la FranceDans un contexte de réduction des moyens budgétaires, Jacques Rigaud présente, fin 1979, son rapport sur les relations culturelles extérieures dans lequel est affirmé avec vigueur le rôle central et spécifique de la culture dans les relations internationales et préconisée une politique de dialogue et d'échanges. | La politique de la langue est l'expression la plus haute d'une politique de présence au monde. Rapport sur les Jacques Rigaud, 1979 |
En juillet 1982, une profonde réforme transfère les compétences culturelles du ministère de la Coopération à la Direction générale créant un réseau d'établissements culturels unique. D'autre part, cette réforme crée une Direction de la communication qui doit affirmer la place de la France dans les réseaux audiovisuels mondiaux.
Le 19 octobre 1983, le Conseil des ministres approuve le projet culturel extérieur de la France qui développe de nombreux thèmes abordés par Jacques Rigaud dans son rapport. Tous les secteurs sont concernés par "le souci de réciprocité que la Direction générale s'efforce d'établir pour l'ensemble des échanges culturels". Les établissements scolaires, par exemple, ne doivent plus seulement scolariser les enfants des Français expatriés, mais également "favoriser le biculturalisme" par l'accueil d'élèves étrangers. |
Un plan quinquennal d'action radiophonique extérieure (1983-1987) prévoit le développement de Radio France Internationale. Le 2 janvier 1984, est diffusé le premier programme de TV5 qui associe les trois chaînes françaises, la radio télévision belge de la Communauté française de Belgique et la Société suisse de radiodiffusion et de télévision.
Création d'une Direction du françaisAu sein de la Direction générale est créée une Direction du français. Dans ce cadre, la Sous-direction de la politique linguistique met en place une politique offensive visant à valoriser l'image de la France et du français, à agir sur les motivations des publics étrangers et à mobiliser les médias.
À cette fin, sont organisés des animations en milieu scolaire, des concours, des opérations dites de "promotion du français". Les bureaux pédagogiques sont transformés en bureaux d'action linguistique (les BAL). Les attachés linguistiques se substituent progressivement aux assistants et conseillers pédagogiques tandis que le personnel enseignant à l'étranger est progressivement réduit.
Au cours de cette période, le réseau des partenaires français s'élargit aux collectivités territoriales avec une opération intéressant les régions françaises, intitulée "Français 2001" qui accompagnera l'ouverture à l'international de nombreuses régions et favorisera des partenariats inter-régionaux. |
Ces nouvelles orientations s'accompagnent de réunions d'information visant à préparer les personnels à des fonctions de plus en plus spécialisées. Tel est le cas notamment d'une rencontre de l'ensemble des personnels, "Convergence 85", qui donnera lieu à la publication d'un manifeste, Pour une politique linguistique extérieure.
Parallèlement, le français langue étrangère gagne ses lettres de noblesse avec la création de filières universitaires spécifiques et de deux diplômes délivrés par le ministère de l'Éducation nationale : le diplôme élémentaire de langue française (DELF) - devenu diplôme d'études de langue française - et le diplôme approfondi de langue française (DALF).
C'est le moment où se créent l'ASDIFLE, l'ANEFLE, l'association des attachés linguistiques, l'ASBEC (association des stagiaires du BELC et du CREDIF aujourd'hui disparue) et la SIHFLES.
Création d'un secrétariat d'État chargé de la FrancophonieEn 1986, le premier Sommet des chefs d'État et de
gouvernement ayant le français en partage et la création, pour la première fois, d'un
secrétariat d'État à la Francophonie donnent à la francophonie multilatérale une
dimension éminemment politique. Deux ans plus tard, est créé un secrétariat d'État aux relations culturelles internationales qui confère une dimension politique à l'action culturelle extérieure. Deux secteurs font alors l'objet d'un développement sans précédent : la francophonie multilatérale et l'audiovisuel extérieur. |
Avant de remettre son rapport relatif à la politique audiovisuelle de la France en 1989, Alain Decaux, ministre délégué chargé de la Francophonie écrit au Premier ministre : L'heure n'est plus aux voyages de conférenciers venus entretenir quelques vieilles dames ravies des amours ambiguës de Mme de Staël ou de l'usage du subjonctif dans l'oeuvre de Tallemant des Réaux. En revanche, il faut littéralement inonder les pays francophones d'images, de chansons, d'informations, de fictions en français et le faire par l'intermédiaire de la télévision. |
De 1987 à 1990, une réflexion est menée pour adapter le réseau des établissements scolaires aux réalités locales, qui entraîne une réorganisation de la Direction générale. La Direction du français est dissoute : sa composante enseignement sera transformée en un établissement public autonome, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (A.E.F.E.), par la loi du 6 juillet 1990. |
La Sous-direction de la politique linguistique est alors rattachée à la Direction du développement et de la coopération scientifique, technique et éducative et prend le nom de Sous-direction de la coopération linguistique et éducative.
Les bureaux d'action linguistique sont alors transformés en bureaux de coopération linguistique et éducative (BCLE).
Une coopération plus institutionnelle se met en place :
apport d'une expertise à des
systèmes éducatifs de pays étrangers en voie de développement et élaboration de
nouveaux programmes ;
soutien à des projets de
coopération universitaire novateurs intéressant la langue française ;
relance ou ouverture de sections
bilingues dans des établissements nationaux du secondaire ;
ouverture de filières
universitaires francophones dans des établissements d'enseignement supérieurs étrangers
;
recours plus systématique aux
nouvelles technologies.
L'éventail des partenaires s'enrichit du concours d'autres ministères français, notamment ceux de l'Éducation nationale et de la Culture. Il s'inscrit également dans la dynamique d'opérations conduites par l'Union européenne, des organisations multilatérales et des organisations non-gouvernementales.
De 1989 à 1991, les bouleversements en Europe centrale et orientale entraînent une redéfinition des objectifs et un redéploiement des moyens vers cette zone où sont créés ou redynamisés des établissements culturels (par exemple à Prague, Bucarest, Moscou...) et mis en place de nouveaux programmes de coopération.
Réforme de la Direction générale, création de la Direction de la coopération culturelle et linguistiqueL'année 1994 inaugure la période actuelle, marquée par
une réforme de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et
techniques, réunissant établissements culturels et politique linguistique au sein d'une
même direction. Un document décrit alors la politique suivie. C'est à ce moment que l'association des attachés linguistiques, l'association des responsables d'alliance française et l'AVRIST (attachés scientifiques et techniques) se joignent aux efforts fait par un groupe d'attachés et de conseillers culturels et d'agents détachés à la DG pour mettre en place l'ACAD-MAE. |
1998
Intégration du ministère de la Coopération et de la Francophonie au ministère des Affaires étrangèresDésormais, la même administration prend en charge la politique française de
coopération internationale pour le monde entier, tant dans la zone de solidarité
prioritaire nouvellement créée que dans les autres pays. Les attachés linguistiques
laissent la place à des attachés de coopération pour le français, des attachés de
coopération éducative et des attachés de coopération universitaire, au rôle plus
"politique" que pédagogique, amenés à travailler dans une logique de projets
avec des partenaires locaux ou des organisations internationales.
Logiquement, l'association des attachés linguistiques s'intègre totalement à l'ACAD-MAE
et prend le nom d'ADACEF (association des attachés de coopération
éducative, des attachés de coopération pour le français et des attachés de
coopération universitaire).
Une politique pour le français, Ministère des Affaires étrangères