26e Congrès mondial du CIÉF

Thessalonique, Grèce

10 - 17 juin 2012

Informations générales sur le Conseil international d'études francophones - CIÉF : www.cief.org

Programme détaillé

Session I

Francophonisation, identités linguistiques et nationalismes émergeants : le rôle de l’Alliance Israélite Universelle

contact : karene_sanchez@yahoo.fr

Présidente : Karene SANCHEZ SUMMERER, Université de Leiden
Secrétaire : Marie-Christine KOK ESCALLE, Université d’Utrecht

Le rôle de l’éducation francophone de l’AIU. Comment les communautés juives ont-elles utilisé le français dans la redéfinition de leur identité face aux nationalismes émergeants, durant la période cruciale du dernier quart du XIXe au milieu du XX? Dans ce contexte, le rôle de l'AIU est fondamental, autant en tant que missionnaire de la France de la IIIe République que comme antenne d'intégration dans les pays où elle est implantée.

Karène Sanchez-Summerer, Entre vocations universelle et nationale : l’éducation « régénératrice » francophone pour filles de l’AIU de Jérusalem (1906-1948) 

L’école des filles de l’AIU de Jérusalem accueille un nombre important d’élèves durant les périodes ottomane (1906-1918) et mandataire britannique (1918-1948), parallèlement à l’enseignement sioniste proposé et à celui des écoles missionnaires chrétiennes. Elle s’implante dans une ville multiculturelle, également réputée comme conservatrice, dans un contexte de concurrences religieuse, éducative, linguistique et nationales exacerbées.

La naissance de la classe moyenne, la concurrence éducative et le projet sioniste entrainent une revendication d’éducation et d’émancipation des femmes à laquelle tente de répondre la modernisation de l’éducation francophone de l’AIU, pour la « régénération de la femme orientale ». Celle-ci concurrence directement le modèle d’émancipation sioniste et continue d’attirer un nombre important d’élèves des écoles gouvernementales de langue hébraïque. A travers un apprentissage linguistique varié et professionnel de qualité, elle désire offrir des garanties de débouchés professionnels et accueille également des vagues successives d’immigrantes.

L’école se retrouve dès 1918 à la croisée des politiques linguistiques et culturelles françaises, britanniques et de celles des organisations sionistes en « Terre sainte », confrontée aux enjeux parfois contradictoires liés à la satisfaction des intérêts de ses différents partenaires, notamment ceux de la laïcité en contexte « proto-national juif ». Face à la concurrence des écoles missionnaires, perçues comme prosélytes et « chasseuses d’âmes », elle revêt alors également une fonction de rempart contre la perte d’identité religieuse. Tout en s’attachant au cas particulier de Jérusalem, l’étude compare l’école, ses partenaires et les impacts de son éducation au reste du territoire.

Esther Moeller, Les enjeux de l'éducation francophone des filles juives au Liban (19e et 20e siècles)

Cette contribution s’attachera à la situation particulière de l’enseignement français aux filles juives au Liban. De quelle manière les acteurs juifs, c’est-à-dire les parents des filles, les anciennes élèves et les professeur(e)s des écoles francophones investissaient-ils dans la langue française et les matières qui y étaient liées ? Le français était-il perçu, tout comme pour de nombreux chrétiens libanais francophones, comme une langue d’identité, les distinguant de leur environnement arabe et hébreu, ou cette langue ne constituait-elle pour eux, comme pour beaucoup de leurs concitoyens musulmans, qu’une langue de travail et de communication ?

L’étude s’interrogera sur la spécificité de cette clientèle par rapport aux garçons juifs d’un côté, et par rapport aux filles non-juives de l’autre. Pour parvenir à leur distinction, l’analyse des écoles de l’Alliance israélite universelle sera mise en relation avec celle des autres écoles francophones au Liban, à savoir les écoles catholiques, protestantes et la Mission laïque française.

En tenant compte de la mainmise croissante des puissances européennes, et en particulier de la France sur le Liban, la contribution tentera de mettre en exergue les enjeux du rôle des filles et femmes juives dans une société sous transformation politique et sociale massive.

Despina Provata, La francophonisation des Juifs de Salonique dans le dernier quart du XIXe siècle

Salonique, cité multiethnique et multi-religieuse, juive à plus de 40%, accueille de nombreux établissements scolaires entretenus par les différentes communautés ethniques installées dans la ville. Si ce multilinguisme peut cacher un conflit latent entre les langues pratiquées par ces communautés et une tentative consciente d’affirmer, par le biais de la langue, des revendications territoriales dans la région, ces écoles présentent néanmoins un point commun : le français, lingua franca pour tout l’Orient est présent dans presque tous les programmes scolaires.

En 1873 l’AIU, fidèle à son objectif qui était de « régénérer » les communautés juives du bassin méditerranéen, fonde une école de garçons à Salonique et adopte le français comme langue principale de l’enseignement. Cet établissement deviendra le centre de la promotion de la culture française dans la ville et, en même temps, un terrain propice à l’application de l’idéologie émancipatrice de l’Alliance israélite. Or, pour le cas de Salonique le processus de francophonisation fait preuve d’une certaine hésitation, ce dont témoigne le fait que dans l’école des filles créée en 1874, l’italien demeure la première langue jusqu’en 1889.

Notre objectif est de démonter d’une part ce processus de francophonisation en examinant la place accordée à l’enseignement du français dans le programme des établissements de l’AIU à Salonique, les difficultés auxquelles se sont affrontés les enseignants et les résultats obtenus. D’autre part, nous tâcherons d’examiner comment le français devient la langue à travers laquelle la communauté juive salonicienne va pouvoir se forger une nouvelle représentation de soi et du monde, ce qui aboutira à sa transformation profonde.


Session IV

Le français, langue de passage et de colonisation

Présidente : Marie-Christine KOK ESCALLE, Université d'Utrecht
Secrétaire : Kathleen SHIELDS, National University of Ireland Maynooth

« Altérité et/ou différence : la multipolarité de la Francophonie ou conflit de désignation référentielle des termes de parenté entre le français et les langues africaines », Kapele KAPANGA et Amélie HIEN, Université Laurentienne

« Le passage entre linguiste et nationaliste passionné : Claude Hagège et l’universalité de la langue française », Kathleen SHIELDS, National University of Ireland Maynooth

« Le passage par le français dans l’éducation et la formation de la jeunesse néerlandaise au XIXe siècle », Marie-Christine KOK ESCALLE, Université d'Utrecht

Les livres de lecture, écrits en français pour la jeunesse néerlandaise et publiés aux Pays-Bas sont nombreux au XIXe siècle. S’ils servent à l’apprentissage de la langue française pour les écoliers, ils n’en sont pas moins utiles pour l’éducation morale et pour la formation du futur citoyen selon les idéaux en vigueur. Ils apportent en outre au lecteur un bagage culturel important sur la société néerlandaise. Les différentes versions de l’histoire du Robinson Hollandais retiendront notre attention, cherchant à comprendre pourquoi et comment l’on passe par le français et par des personnages étrangers pour affirmer son identité nationale et la valeur des caractères nationaux, mais aussi pour transmettre en français des savoirs sur son propre pays. La mise en exergue de la sentence de Voltaire « À tous les cœurs bien nés, que la patrie est chère » (Le Robinson Hollandais ou Journal d’un marin naufragé, Amsterdam 1824), que l’on retrouve ailleurs (Vérénet, Causeries enfantines 1872) est caractéristique de cette opération de passage.