Un des protagonistes de l’histoire culturelle de la Russie, le précepteur français se trouve au cœur de la construction de la nouvelle identité culturelle russe à une époque charnière, sous Catherine II, Paul Ier et Alexandre Ier ; sa place dans l’histoire moderne des pays de l’Europe, considérable mais encore mal connue, suscite toujours des débats.
Cette figure surprend par ses ambiguïtés et ses contrastes. Le précepteur incarne certains des traits marquants du Siècle des Lumières, il fait figure d'ambassadeur de la République des Lettres, particulièrement à la périphérie de l'Europe. Les précepteurs français vont en Russie comme des "missionnaires de l'esprit nouveau", selon le mot d’un historien : ils y apportent l'idiome véhiculaire de l’Europe civilisée, le français, mais aussi un certain code de politesse que leur clientèle d’Amsterdam ou de Saint-Pétersbourg pense être directement issu des antichambres de Versailles. Mais bientôt des voix s'élèvent contre ces missionnaires importuns, ces transfuges qui "traînent partout leur ignorance" et qu'un Joseph de Maistre qualifiera de "balayures" de l'Europe. Plusieurs des pays qui ont reçu religieusement l'enseignement de ces pédagogues mettent en doute l'utilité de leur action en les accusant de corrompre les véritables vertus de la nation. Cette réaction constitue une étape importante dans la genèse d'une idée nationale dans plusieurs pays européens.
Ces images du précepteur français présentent un intérêt capital pour notre connaissance de l’Europe moderne. Relativement mal connu, le préceptorat se prête d’autant mieux à différentes constructions mentales suivant les positions idéologiques de chacun. Cependant, il est temps d’adopter une position critique vis-à-vis de ces images biaisées et d’engager des recherches sérieuses pour disposer de données fiables sur le rôle des précepteurs français dans l’éducation et dans la vie culturelle en Europe.
Ce colloque contribuera à l’étude comparative du préceptorat français selon deux perspectives : intranationale, pour mieux dégager le rôle des précepteurs français par rapport à d’autres précepteurs dans un pays donné ; internationale, pour établir les éléments que la Russie partage avec d’autres pays d’Europe, notamment les pays germanophones qui ont accueilli beaucoup d’émigrés francophones aux XVIIe - XIXe siècles, et ceux qui lui sont propres. Ce colloque est ainsi appelé à enrichir notre connaissance des transferts culturels dans l’espace européen, dont les précepteurs étaient des acteurs importants. Enfin, il apportera une contribution à l’étude des migrations en Europe en définissant la part du préceptorat dans ce phénomène.
Ces axes de recherche, auxquels pourront être ajoutés de nouveaux, seront déclinés en différents sujets parmi lesquels les crédos pédagogiques, l’enseignement du français et d’autres matières, les réseaux, la participation de précepteurs français au Grand Tour, les influences des précepteurs sur la noblesse européenne, ainsi que sur d’autres groupes sociaux...
Date et lieu : les 18 et 19 septembre 2009, Saint-Pétersbourg, palais Stroganov.
Langues de travail : français et russe.
Patronage : Centre franco-russe de recherches en sciences humaines et sociales de Moscou, Institut français de Saint-Pétersbourg, Institut historique allemand de Moscou, Musée Russe.
Comité d’organisation : Vladislav Rjéoutski, université Paris IV (rjeoutski@free.fr), Alexandre Tchoudinov, Institut d’histoire universelle de l’Académie des sciences de Russie (tchoudin@mail.ru), Susanne Lachenicht, université de Hambourg (susanne.lachenicht@uni-hamburg.de).