Français langue étrangère et français langue seconde
en France et à l’étranger
Table ronde 3
Produits, méthodes et ressources
Coordination assurée par Mme Marie Laure Poletti, Centre International d’Etudes Pédagogiques
Produits, méthodes, ressources…le champ est sans limites, la déclinaison infinie : manuels " papier ", accompagnés ou non de documents audio ou vidéo ou multimédias, méthodes en ligne, outils complémentaires orientés vers ceux qui enseignent ou ceux qui apprennent, revues, ressources générales ou éducatives, ressources visant directement l’enseignement/apprentissage du français, ce sont des objets, commercialisés ou accessibles gratuitement, qui s’inscrivent à un moment donné dans un processus d’apprentissage et qui devraient avoir pour objectif d’améliorer sa qualité.
Ils impliquent de plus en plus souvent une nouvelle définition et une nouvelle distribution des rôles, une nouvelle conception de l’enseignement/apprentissage et des contenus, un nécessaire guidage, qui se heurtent parfois à la réalité de la formation des enseignants, à la culture scolaire et aux moyens disponibles.
Si l’on en juge par le volume de la production et par la diversité de l’offre, le français langue étrangère, en France comme à l’étranger, se porte bien mais encore faut-il se garder de faire un lien entre ce constat et la situation du français dans le monde.
Le constat est moins optimiste pour le français langue seconde.
Si l’on en juge par la demande d’aide à la conception et à la fabrication d’outils pédagogiques qui émane de nombreux pays étrangers, la production actuelle, malgré sa richesse et sa diversité, ne répond pas aux besoins spécifiques d’un certain nombre de pays.
Leurs enjeux sont d’une autre nature. La conception d’un manuel ou d’outils pédagogiques est un levier dans une politique éducative, lié à la refonte des curricula, la formation des enseignants et l’affirmation d’une identité culturelle, un élément d’une dynamique globale qui implique un ensemble des partenaires de l’administration scolaire, de l’éducation, de l’enseignement et de l’édition.
Pour mesurer les enjeux, pour observer ce qui change et définir ce qui manque, il est intéressant d’observer ces objets sous plusieurs angles :
Logique de marché qui pose la question de l’offre à la demande dans un marché qui n’est pas en extension mais qui se diversifie.
Logique de transferts, culturels, méthodologiques, technologiques qui pose la question des modèles de référence : universalisme et contextualisation ? modèles " européens " d’enseignement/apprentissage des langues ? liens production/recherche ? rôle de la production de méthodes ou de ressources comme outil d’une dynamique et d’une politique nationales ?
Si l’on s’interroge, en effet, sur l’influence des TICE sur l’édition de produits d’apprentissage en FLE, on peut faire l’hypothèse que les nouveaux produits d'apprentissage du FLE comporteront de plus en plus souvent une dimension hybride papier / multimédia. (cf. rapport Mangenot, Potolia, Coste préparé à la demande du ministère des Affaires étrangères).
Aux USA, par exemple, un des arguments de vente des méthodes de langues est leur accompagnement par des exercices informatisés ou par des listes de liens Internet permettant d'élargir le thème des leçons. Les trois grands éditeurs français de FLE ont déjà commencé à proposer des compléments, payants ou gratuits.
Cette hybridation des produits pose deux grandes questions :
De manière générale, les institutions enseignant le FLE sont à la recherche de compléments multimédias aux méthodes utilisées, ces compléments étant plus facilement intégrables dans la logique d'un cursus que d'autres produits multimédias ayant leur logique propre. En termes de coûts, ce sont sans doute les activités Internet liées par le thème à une leçon d'un manuel papier qui demandent au départ l'engagement éditorial le moins important. Mais encore faut-il que les liens externes vers lesquels ces activités doivent pointer soient tenus à jour très régulièrement, ce qui entraîne des coûts en aval de la publication de la méthode.
Le cédérom permet pour sa part un travail plus riche sur l'oral mais est beaucoup plus coûteux à réaliser.
Dans le domaine de la formation à distance, enfin, que mettre sur quel support ? De nouveaux types de produits ne vont-ils pas apparaître ? Et quelles modalités d'accompagnement pédagogique prévoir ? (oral / écrit, synchrone/asynchrone) ?
Modifications du processus éditorial
En termes de création de méthodes hybrides, on peut avancer que l'idéal est de concevoir dès le départ le produit dans son ensemble et dans la complémentarité de ses supports ; mais cela suppose d’autres compétences que celles auxquelles on faisait appel jusqu'ici. Par ailleurs, un produit hybride n'aura plus la même "finitude" qu'une méthode classique et demandera une veille a posteriori (hot-line, maintenance des liens, etc.).
Sans parler des produits prévus pour la formation à distance, pour lesquels l'accompagnement pédagogique constitue une dimension essentielle.
De nouveaux métiers apparaissent donc et on peut se demander si les éditeurs classiques assumeront ces mutations ou bien si l'on verra apparaître de nouveaux acteurs dans ce champ.
Au-delà de la conception se pose le problème de la stratégie commerciale : on ne vend sans doute pas un cédérom, un accès Internet payant, un ensemble hybride, selon les mêmes circuits et selon les mêmes stratégies de marketing que les méthodes classiques.
On notera enfin qu'une des dimensions très appréciée d'Internet est la mutualisation pédagogique permise par le réseau : comment les éditeurs vont-ils se positionner par rapport à toutes les ressources pédagogiques gratuites présentes sur Internet ?
Les méthodes existantes se caractérisent par le fait qu'elles s'adressent, pour la plupart, aux apprenants. L'enseignant les utilise diversement : il peut s'appuyer sur une ou plusieurs méthodes pour élaborer sa progression ou un " canevas " de cours ; il peut les exploiter comme ressources en termes d'activités ou encore s'en servir comme d'un " cours clés en main ".
Outre l'aisance pédagogique, elles supposent d'abord, dans tous les cas, que l'enseignant soit en totale sécurité linguistique, notamment lorsqu'elles privilégient certaines techniques d'animation de classe ou qu'elles nécessitent une adaptation aux curricula dans lesquelles elles s'inscrivent.
Se pose donc, sous deux formes, la question de la place faite à l'enseignant dans les méthodes de FLE :
Quels moyens, quels dispositifs peuvent aider à leur appropriation, dans des contextes d'enseignement / apprentissage très divers ?
Que pourrait être une méthode modulaire, c'est-à-dire ouverte à de possibles adaptations ?