Conférence 2008


GERFLINT   -  TARTU ÜLIKOOL   -   CEDICLEC


Appel à communication

Colloque international

 

« problématiques culturelles dans L’enseignement-apprentissage des langues-cultures, mondialisation et individualisation : approche interdisciplinaire »

 Université de Tallinn (Estonie), 8-10 mai 2008

 

 Document de présentation et d’orientation

 

Le Département d’Études françaises et le Département des Langues romanes de l’Université de Tallinn, ainsi que le Département des Langues et littératures romanes de l’Université de Tartu, organisent du 8 au 10 mai 2008 un Colloque international consacré à l’enseignement-apprentissage des langues-cultures.

 

Ce Colloque se fait en partenariat avec le CEDICLEC (Centre d’étude en Didactique comparée des langues et des cultures de l’Université de Saint-Étienne)[1] et le GERFLINT (Groupe d'Études et de Recherches pour le Français Langue Internationale)[2], ainsi qu’avec le soutien du Fonds Social Européen (projet nr. 1.0101-0225), du Centre culturel français de Tallinn et de l’Association des professeurs de français en Estonie.

 

L’objectif de ce Colloque est de revisiter la problématique culturelle de l’enseignement-apprentissage des langues-cultures à un moment où le concept d’« approche interculturelle », qui domine depuis maintenant trois décennies chez les spécialistes de ce domaine, commence non seulement à montrer ses limites internes, mais à occulter l’évolution des enjeux dans ce domaine et leur diversification. Les organisateurs de ce Colloque considèrent indispensable, pour ce faire, de mobiliser aussi les analyses d’autres disciplines ou domaines auxquels les enseignants de langues-cultures ont régulièrement recours, tels que la sociologie, l’anthropologie culturelle, la littérature, la traduction ou encore la sociolinguistique. Ce colloque s’adresse donc également aux spécialistes de ces autres disciplines, dont les analyses sur le double processus de mondialisation et d’individualisation, avec leurs conséquences actuelles dans leurs disciplines et les perspectives qu’elles y ouvrent, peuvent enrichir la réflexion des spécialistes de l’enseignement des langues-cultures.

 

Deux phénomènes majeurs provoquent en effet de multiples interrogations quant à la problématique culturelle dans ce domaine :

 

a) La première est la diversification des problématiques culturelles, avec l’émergence d’une part du « multiculturel » à l’intérieur même de ce que l’on continue d’appeler « l’interculturel », et d’autre part du « co-culturel » (création d’une culture partagée par et pour l’action commune) dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle « perspective actionnelle » prônée par le Conseil de l’Europe[3]. Si l’on reprend la modélisation suivante de l’évolution historique des composantes de la compétence culturelle qui ont été successivement privilégiées depuis un siècle[4] :

XIXe siècle. Composante « transculturelle » : elle permet de retrouver, sous la diversité des manifestations culturelles, ce qu’Émile Durkheim appelait le « fonds commun d’humanité », qui sous-tend tout l’ « humanisme classique » ; elle concerne principalement les valeurs universelles.

Années 1900-…. Composante « métaculturelle » : celle que les apprenants sont amenés à utiliser dans le cadre de l’étude en milieu formel de documents authentiques ; elle concerne principalement les connaissances des spécificités culturelles de la culture ou des cultures correspondant à la langue enseignée-apprise.

Années 1970-… Composante « interculturelle » : celle que l’on utilise dans le cadre de la communication avec des étrangers, dans le cadre de rencontres, d’échanges, de voyages ou de séjours ponctuels ; elle concerne principalement les représentations.

Années 1990-… Composante « multiculturelle » : celle que l’on utilise dans le cadre des sociétés où coexistent des cultures différentes et où se réalisent d’intenses processus de métissage culturel ; elle concerne principalement les comportements.

Années 2000-… Composante « co-culturelle » : celle que sont amenées à se fabriquer et à utiliser en commun des personnes de cultures différentes travaillant ensemble dans la longue durée ; elle concerne à la fois les conceptions (lesquelles mettent en jeu les objectifs, principes, normes, modes de réalisation, critères d’évaluation), mais aussi, au-delà, les finalités et les valeurs contextuelles, créées et partagées par et pour l’action commune (comme c’est le cas dans la notion de « culture d’entreprise »).

on constate qu’aujourd’hui toutes les composantes apparues au cours du XXe siècle sont en fait simultanément mobilisées dans l’enseignement des langues-cultures, et qu’en outre un phénomène de « bouclage historique » sur la première composante – la composante transculturelle –, a commencé à s’opérer : on voit ainsi se multiplier depuis quelques années, en particulier dans les manuels de français langue étrangère, des dossiers sur des thèmes d’échelle mondiale tels que le développement durable, la protection de l’environnement ou le commerce équitable, avec un retour à la mise en avant, par certains spécialistes de cet enseignement, d’une finalité éducative qui est désormais celle de la formation d’un « citoyen du monde ».[5]

Il est évident que c’est principalement le phénomène de mondialisation (ou « globalisation »), avec tous ses effets, qui impulse toutes ces évolutions et ces diversifications actuelles de la problématique culturelle dans l’enseignement des langues-cultures.

 

b) Le second phénomène est l’aboutissement d’une longue évolution elle aussi séculaire qui a consisté en un déplacement progressif et parallèle depuis une orientation objet maximale jusqu’à une orientation sujet maximale dans les grands domaines didactiques. On est ainsi passé :

 

– en sélection de la langue, depuis les listes de fréquence jusqu’à l’apport à l’apprenant en temps réel des formes nécessaires pour son expression personnelle ;

– en description de la langue, depuis la grammaire structurale jusqu’à l’interlangue ;

– en psychologie de l’apprentissage, depuis la transmission des connaissances par l’enseignant jusqu’à la construction par l’apprenant de son propre savoir ;

– en méthodologie, depuis les grands systèmes méthodologiques universalistes (méthodologies directe, audio-orale, audio-visuelle) jusqu’aux exigences concernant l’autonomisation des apprenants et le respect de leurs « stratégies individuelles d’apprentissage » ;

– en culture, depuis la culture objet d’enseignement (avec la composante métaculturelle privilégiée dans la conception de la compétence culturelle) jusqu’à la culture partagée créée par les apprenants et l’enseignant par et pour leur apprentissage-enseignement collectif (avec la composante co-culturelle privilégiée).[6]

 

Or il se trouve que des constats tout à fait similaires sont tirés actuellement dans les disciplines naturellement les plus sollicitées par les spécialistes de l’enseignement-apprentissage des langues-cultures dans leurs réflexions sur la problématique culturelle, à savoir les Sciences humaines et sociales (SHS).

 

Michel Wieviorka, dans son « Introduction » à un récent ouvrage collectif intitulé Les sciences sociales en mutation[7], met en avant les deux phénomènes à ses yeux majeurs auxquels sont confrontées les SHS en général et en particulier la sociologie :

 

– D'une part, « la globalisation, mais aussi les phénomènes migratoires renforcent l'idée qu'on ne peut plus opposer comme par le passé un « eux » lointain à un « nous » présent, l'altérité hier la plus éloignée des sociétés occidentales y est aujourd'hui de plus en plus, et en même temps, présente et visible. (...) De plus en plus les cultures, sans pour autant se dissoudre, s'interpénètrent, en même temps que les identités se déplacent, s'hybrident éventuellement, se mélangent selon des processus multiples, à l'articulation du local et du planétaire. »

 

– D'autre part, « la montée en puissance du sujet » : « Le sujet d'aujourd'hui est ce qui échappe aux logiques des systèmes, du souverain, de Dieu, d'une communauté et de sa loi, ou qui y résiste, il est [...] capacité d'agir. »

 

Un autre sociologue, Jacques Demorgon, considère qu’il faut entièrement repenser les cultures à l’heure de la mondialisation : « Le développement de la phase actuelle de mondialisation conduit à des situations d’interactions accrues et accélérées. Ces interactions peuvent conduire à des résultats très divergents. […] À partir de là, les problèmes « interculturels » ne vont pas manquer. Et, de ce fait, l’une des grandes questions actuelles débattue dans de nombreux pays est celle des conditions qui permettraient de conjuguer, d’une part une culture globale, et d’autre part le multiculturalisme[8]. »

 

Dans un article où il signale par ailleurs le parallélisme frappant entre les problématiques culturelles actuelles en sociologie et enseignement-apprentissage des langues[9], ce même auteur fait référence à son ouvrage Critique de l’interculturel. L’horizon de la sociologie[10], où « [il] critique l’interculturel en tant que pôle qui s’érige comme totalité. Or, le multiculturel est irréductible parce qu’il concerne les cultures juxtaposées, séparées, ségréguées, voire hostiles. Le transculturel est, lui aussi, impossible à supprimer puisqu’il renvoie au dénominateur commun que, dans les situations multiculturelles, les humains sont obligés d’inventer s’ils doivent, un minimum, communiquer et agir ensemble. » Dans un autre passage de ce même article, c’est l’équivalent de la « compétence co-culturelle » qu’il estime désormais indispensable : L’apprentissage interculturel ne doit pas être compris comme une nécessité de se soumettre à l’autre par gentillesse ou par politesse. Il est, au contraire, l’occasion exceptionnelle de produire ensemble de nouvelles réponses culturelles » (nous soulignons).

 

Le processus de mondialisation semble aussi poser de nouvelles questions en traduction. Dans l’appel à contributions[11] d’un prochain colloque intitulé « De la traduction à l’interprétation dans les Arts et Sciences humaines contemporaines » (Montpellier, 15-17 mai 2008), on peut lire ainsi :

 

« L'élargissement de la Communauté européenne et la mondialisation ont rendu les frontières nationales très floues, poreuses non seulement aux échanges économiques, mais aussi à la circulation des « biens culturels » (littérature, cinéma, arts plastiques), des recherches scientifiques, des adaptations du Droit et des institutions communautaires. Jamais le nombre de documents auquel peut avoir accès le public du XXIe siècle n'a été aussi important, dans tous ces domaines. […] Jamais par conséquent la demande en traducteurs et interprètes n'a été aussi grande. La somme énorme dépensée par l'Europe pour traduire les différents actes communautaires dans les différentes langues nationales de ses membres en est une preuve éclatante. »

 

Mais les organisateurs du Colloque notent un processus parallèle d’individualisation : « L'éparpillement des publics d'accueil et de leur demande, les intérêts financiers des maisons d'édition, des entreprises cinématographiques entraînent cependant des formes différentes de transfert d'un document original : traduction, adaptation, transposition. »

 

Le dernier exemple sera emprunté à un domaine qui concerne à la fois la politique linguistique, la sociolinguistique et la littérature, celui de la « Francophonie ». Dans un manifeste publié en mai 2007, Pour une littérature-monde[12], une cinquantaine d’écrivains se sont déclarés en faveur d’une langue française « libérée de son pacte exclusif avec la nation », provoquant une polémique à propos du projet actuel de la Francophonie et de ses institutions. Pour les membres de la « Cellule de réflexion stratégique » de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), « la mondialisation est une chance pour la Francophonie car elle lui permet de retrouver un horizon souvent oublié sur le plan historique et culturel. (...) C’est la francosphère, c’est-à-dire la Francophonie à l’heure de la mondialisation. (...) Avec le temps, les logiques politiques ont laissé place à des problématiques culturelles. Le dialogue entre les racines mondiales de la Francophonie et celles des autres aires linguistiques devient un outil privilégié de la cohabitation."[13]

 

Mais les sociolinguistes ont mis de leur côté en évidence un « processus d'individualisation sociolinguistique » qui travaille l’espace francophone en y faisant émerger ou se renforcer des « standards locaux » au niveau des pays ou des régions.[14] Concept à première vue paradoxal que celui d’ « individualisation sociolinguistique », mais qui rappelle opportunément qu’en enseignement des langues-cultures aussi, le sujet peut être collectif et l’individu solidaire (cf. le concept pédagogique de « groupe-classe »).

 

Si l’on pense à la poursuite en parallèle du processus de généralisation du « global english » comme lingua franca, il semble bien que se retrouvent également, dans le domaine du contact des langues qui intéresse lui aussi directement les spécialistes de l’enseignement des langues-cultures, les deux mêmes processus parallèles de mondialisation et d’individualisation dont ce Colloque se propose d’étudier les manifestations et les effets.


Comité scientifique

  • ABOU HAIDAR Laura (Institut français de Marrakech, Maroc)

  • BERCHOUD Marie (IUFM de Dijon et Université de Bourgogne, France)

  • CORTES Jacques (Université de Rouen, France)

  • Dervin Fred (Université de Turku, Finlande)

  • FORESTAL Chantal (Université d’Aix-Marseille, France)

  • HOLTZER Gisèle (Université de Franche-Comté, France)

  • Lepsoo Tanel (Université de Tartu, Estonie)

  • Ljalikova Aleksandra (Université de Tallinn, Estonie)

  • Montes Stefano (Université de Tartu, Estonie)

  • Puren Christian (Université de Tallinn, Estonie et Université de Saint-Etienne, France)

  • RICHER Jean-Jacques (Université de Bourgogne, France)

  • SAILLARD Claire (Attachée de coopération pour le français, Ambassade de France en Chine)

  • Taverna Licia (Université de Tallinn, Estonie)

  • Treikelder Anu (Université de Tartu, Estonie)

  • VOISIN Bérengère (Université de Tartu, Estonie)


Comité d'organisation

 

Responsables pour le département d’études françaises de l’Université de Tallinn :

 

Ljalikova Aleksandra, Mänd Kateryn, PUREN Christian

Colloque2008@tlu.ee

 

 

Informations pratiques

 

– Dates et lieu du Colloque : 8-9-10 mai 2008, Université de Tallinn (Estonie).

– Langues de travail : français et estonien. Un service de traduction simultanée estonien-français et français-estonien sera assuré pour les conférences et les ateliers. Les communications en anglais sont acceptées.

– Date limite pour la réception des propositions de communication (entre 250 et 300 mots) : 5 novembre 2007.

– L’envoi des propositions de communication se fait sur le site du Colloque : www.tlu.ee/colloque2008.

– Date limite pour la réponse aux propositions de communication : 30 novembre 2007.

 

 

La participation au colloque est gratuite aussi bien pour les intervenants que pour le public. Les inscriptions se font également sur le site du Colloque, www.tlu.ee/colloque2008.

 

 

Les actes du colloque seront publiés dans la revue Synergies Pays Riverains de la Baltique, l’une des revues Synergies du GERFLINT.

 

Contact du Colloque

Colloque2008@tlu.ee

 

 

Site du Colloque :

En français et en anglais www.tlu.ee/colloque2008

En estonien www.tlu.ee/colloque2008est

 


[1] CEDICLEC, http://cediclec.sup.fr, « Connexion en tant qu'invité ».

[3] Conseil de l’Europe, Conseil de la Coopération culturelle, Comité de l’éducation, Division des langues vivantes, Un cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Conseil de l’Europe [Strasbourg] / Les Éditions Didier, Paris 2001, 192 p. Texte intégralement disponible en ligne à http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_FR.pdf.

[4] Première publication dans : Christian PUREN, « Perspectives actionnelles et perspectives culturelles en didactique des langues : vers une perspective co-actionnelle co-culturelle », Les Langues modernes n°3/2002, juil.-août-sept. 2002, pp. 55-71. Paris : APLV. Article disponible en ligne sur le site du Colloque, www.tlu.ee/colloque2008.

[5] Voir par exemple FORESTAL Chantal, « La dynamique conflictuelle de l’éthique. Pour une compétence éthique en didactique des langues-cultures », Études de Linguistique Appliquée n° 145, juillet-septembre 2007. Paris : Klincksieck, pp. 111-125. Article disponible sur le site du Colloque, www.tlu.ee/colloque2008. Nous remercions les Éditions Klincksieck de nous avoir autorisé la mise en ligne de cet article.

[6] Cf. PUREN Christian, « Perspective objet et perspective sujet en didactique des langues-cultures », ÉLA revue de didactologie des langues-cultures n° 109, janvier-mars 1998, pp. 9-37. Article disponible sur le site du Colloque, www.tlu.ee/colloque2008. Nous remercions les Éditions Klincksieck de nous avoir autorisé la mise en ligne de cet article.

[7] WIEVIORKA Michel, « Introduction », pp. 9-21 in : WIEVIORKA Michel (dir.) Les Sciences sociales en mutation, Auxerre : Éditions Sciences Humaines, 2007, 624 p. Texte disponible en ligne : http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=15434.

[8] DEMORGON Jacques, Complexité des cultures et de l’interculturel, Paris, Anthropos, 2000, 332 p. (pp. 5-6).

[9] « Langues et cultures comme objets et comme aventures : particulariser, généraliser, singulariser », Études de Linguistique Appliquée n° 140, juillet-septembre 2005. Paris : Klincksieck.

[10] Paris : Éd. Economica-Anthropos, 2005, 222 p.

[11] Appel à contribution publié sur le site http://www.fabula.org/actualites/article19903.php.

[12] Dans le sens de « pour une littérature-monde en français, plutôt qu’une littérature francophone ». Jean Rouaud & Michel Le Bris (dir.), Pour une littérature-monde, collectif. Gallimard, mai 2007, 352 p.

[13] Voir, sur le site de l’OIF, http://www.francophonie.org/oif/cellule.cfm (consulté le 13 septembre 2007).

[14] Voir par exemple le Bulletin n° 10, avril 2000, du "Réseau sociolinguistique et dynamique des langues" l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), http://www.sdl.auf.org/IMG/pdf/bulletin_10.pdf.