Slovaquie :
la chimie en français


Il y a dix ans, dans trois gymnazium (lycées) de Slovaquie, ont été créées des sections bilingues franco-slovaques. Leur caractère scientifique apparaît dans la liste des matières enseignées en français : mathématiques, biologie, physique et chimie.

Version intégrale dans Le Français dans le Monde - Mai-juin 2001 - N° 315

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L

es auteurs du programme bilingue franco-slovaque ont fait le choix des disciplines scientifiques pour donner aux élèves slovaques accès aux méthodes pédagogiques utilisées en France dans un domaine qui est relativement facile à transférer sur un autre « terrain ». Les questions traitées en mathématiques ou en chimie dans un lycée français ou slovaque ne devaient pas être si différentes qu’en histoire ou en géographie, où l’aspect national est assez fort. Mais l’essentiel n’était pas tellement au niveau des contenus mais plutôt au niveau des méthodes pédagogiques employées. Et un argument des autorités qui ont décidé cette orientation était l’idée qu’un étudiant peut faire son choix d’études supérieures beaucoup plus aisément avec une formation scientifique qu’avec un profil littéraire.

Des différences notables
dans l’enseignement de la chimie

Y a-t-il des différences entre l’enseignement de la chimie dans un lycée slovaque et dans un lycée français ? Les approches dans les deux pays sont bien différentes. En Slovaquie, l’ambition des auteurs des programmes nationaux est celle de présenter la discipline à l’élève pratiquement dans toute son ampleur. À côté des questions appartenant à la chimie générale, on étudie largement les thèmes de la chimie descriptive. Les principes et les lois chimiques, mais surtout une somme énorme de connaissances de la chimie minérale et organique, c’est ce qu’un lycéen en Slovaquie doit connaître s’il veut avoir de bonnes notes. Beaucoup de savoir théorique et peu de savoir-faire pratique, c’est la recette appliquée depuis des années.

En France, la chimie semble plus facile à enseigner et à apprendre. Méthodes de raisonnement et de communication (la rédaction et la justification de la démarche utilisée sont très importantes), manipulations au laboratoire, traitement des données, connaissances, tel est l’éventail des compétences et des savoir-faire à transmettre aux élèves.

On sent la différence entre les deux approches. Les Français disent que l’un des objectifs principaux est de former, à travers la discipline enseignée au lycée, le citoyens en tant qu’utilisateur et consommateur de produits chimiques ; en Slovaquie, la tendance est de faire de tous les lycéens des chimistes, mais avec rendement comparable à celui de l’estérification d’un alcool tertiaire, donc très faible... Le point fort de l’enseignement français est le niveau d’équipement des laboratoires et la présence des techniciens de laboratoire dans les lycées. C’est un rêve pour les professeurs slovaques...

Dans le système slovaque, les premières notions de chimie sont enseignées aux élèves de 13 ans. Trois ans après, les élèves d’une section bilingue franco-slovaque commencent à étudier cette discipline en français : ces études durent quatre ans. Les programmes bilingues de chimie ont été rédigés par une équipe bilatérale composée de spécialistes français et slovaques. Le résultat est une synthèse des programmes slovaques et français. Bien que la grande majorité du programme soit enseignée en français, les élèves ont à leur disposition les manuels français et slovaques de chimie. D’après moi, le manuel français communique avec l’élève dans une langue française correcte et riche au niveau du vocabulaire général et de spécialité. D’autre part, à travers le manuel, le professeur et ses élèves consomment un plat bilingue ont fait le choix des disciplines scientifiques pour donner aux élèves slovaques accès aux méthodes pédagogiques utilisées en France dans un domaine qui est préparé par les didacticiens et pédagogues français dont la recette diffère parfois beaucoup de celle utilisée par les spécialistes slovaques.

Concilier les deux approches

C’est justement cet aspect de l’enseignement d’une discipline, où l’esprit de la pédagogie française se manifeste le plus clairement, que je trouve le plus important lorsqu’on se demande quel est l’intérêt d’enseigner la chimie en français. Le côté purement linguistique pourrait être facilement satisfait par une simple traduction des manuels slovaques de chimie. C’est une conception suivie dans plusieurs pays où il y a des section bilingues françaises. Je pense que l’ambition des sections bilingues n’est pas purement linguistique et que ces établissements devraient former des élèves ayant une connaissance assez profonde de la vie, pensée et culture des Français à côté d’une maîtrise excellente de la langue française.

Une partie du programme de chimie (couvrant à peu près la moitié de la dernière année d’étude dans les sections bilingues) est enseignée en langue maternelle. Il s’agit des chapitres contenus seulement dans les programmes slovaques. En plus, les élèves qui préparent leur examen d’entrée dans une université où la chimie figure parmi les disciplines d’épreuves ont une possibilité de suivre un séminaire optionnel en cinquième année d’études (4 heures par semaine). Dans ce séminaire ils voient de manière détaillée tous les grands thèmes de chimie « slovaque ». Les résultats de nos diplômés aux examens d’entrée montrent que cette formule satisfait bien les exigences des universités en Slovaquie.

Mais, dans l’ensemble du cursus, les cours de chimie sont menées en langue française, les notions nouvelles étant présentées également en langue slovaque pour que l’élève possède le vocabulaire bilingue de la spécialité. On ne peut pas dire qu’à chaque moment de sa scolarité l’élève est capable de s’exprimer correctement dans les deux langues mais l’adaptation à la langue minoritairement utilisée dans l’enseignement de la chimie, c’est-à-dire dans la langue maternelle, est rapide, donc cette question ne présente aucune difficulté supplémentaire. En Slovaquie existent des sections bilingues (par exemple la section autrichienne) où la proportion des deux langues au cours de la scolarité est répartie en « parité horaire ». Cette formule a un inconvénient important : le contenu et l’esprit des cours risquent de suivre deux fils pas toujours parallèles et compatibles. Si l’on appliquait cette méthode dans une section franco-slovaque, les résultats pourraient être compromis à cause des différences dans les contenus, dans l’esprit et dans les méthodes pédagogiques utilisées dans les deux pays.

Michal Falath
Professeur de chimie en français
Gymnazium Metodova, Bratislava