La lettre de l'ASDIFLE
 
Numéro 5 - Eté 2007

Nouvelle lune
par Louis Porcher

Depuis de longs mois maintenant, la planète pédagogico-linguistique, en vérité fort petite, croule sous les références publicitaires au Cadre Européen Commun de référence : omniprésent, on le rencontre aussi bien dans des livres particuliers que dans des réclames pour des cours d’été de français langue étrangère. On le voit même au frontispice des inusables « méthodes » d’apprentissage, toujours les mêmes, pour proclamer leur conformité au CECR.

Désormais en effet, vous avez l’air d’un « has been » définitif, irrécupérable, si vous ne citez pas l’objet par ses simples initiales. Vous traduisez ainsi la connivence des initiés, des informés, des happy few. La minuscule communauté de l’enseignement du FLE s’est trouvé une nouvelle idole, un veau d’or juste né, qui vaut le coup, pour quelque temps au moins, d’être adoré et que tout le monde, enseignants, élèves, le diable et son train, se prosterne devant lui.

Mais au fond, pourquoi le monde entier (puisque, jusqu’à plus ample informé, le français s’enseigne sur l’ensemble de l’œkoumène) deviendrait-il européen ? Pourquoi un modèle hégémonique, un de plus, remplacerait-il seul le rôle que le français hexagonal, dans son arrogance sans cesse proclamée même par les tenants du titre, a joué sans se soucier jamais de quiconque autre ?

En vérité, le CECR est une des voies difficilement visibles de l’uniformisation, d’une pensée unique, une de plus, de la didactique. Foin de l’homogénéisation. Pas de carcan. Notre domaine demande avant tout authenticité, imagination, dynamisme. Osons donc, soyons nous-mêmes, c’est à cette condition que notre enseignement sera vivant, attractif, et de cette manière aussi qu’on se l’appropriera, que chacun le fera sien et que le public s’y reconnaîtra.

Louis PORCHER