La lettre de l'ASDIFLE
 
Numéro 10 - Janvier 2011

L’Alliance des Seychelles,
présence et enjeux

Un trilinguisme officiel, fruit d’une histoire complexe, caractérise le contexte langagier des Seychelles (80 000 hab.), lequel, dans la pratique, est à géométrie variable. Langues de l’écrit, de l’administration, de l’enseignement et de la plupart des médias, l’anglais et le créole forment un duo insubmersible. Considérée comme une langue prestigieuse (« granzar », comprendre « grand jars », prétentieux) et ne souffrant pas les erreurs, le français plonge les Seychellois dans une insécurité linguistique qui en limite l’utilisation. Les représentations que notre langue véhicule à tort, compte tenu du contexte économique et linguistique régional, renforcent inexorablement le poids de l’anglais.

Paradoxalement toutefois, les Seychellois, qui dénigrent le français, éprouvent le besoin de le maîtriser quand ils mesurent les possibilités qu’offre le créole. C’est pourquoi le rôle et la présence de l’École française, et de l’Alliance française sont primordiaux. Et en la matière, l’A.F. tire désormais plutôt bien son épingle du jeu. En rénovant son offre de cours (sur la base de sessions d’une trentaine d’heures), en changeant ses manuels (calibrés sur le CECRL), en cherchant des parts de marché sur des segments spécifiques (enfants de 4 ans à 6 ans, secteur de l’hôtellerie et du tourisme, etc.) son rayonnement – également culturel – n’est plus à démontrer. Sur ce secteur dynamique, ce ne sont pas moins de 1 500 certifications du Delf/Dalf que l’Alliance gère annuellement (chiffres surprenants au regard du nombre d’habitants). Les Delf prim’ et pro, lancés début septembre 2010, sont tout aussi prometteurs.

Malgré son statut de langue officielle, le français est enseigné aux Seychelles comme une langue étrangère, et faible cas est fait des origines du créole comme de la similarité des deux langues. Celui-ci est vécu sans raison comme un handicap à l’apprentissage du français, alors que c’est justement sur sa proximité linguistique avec notre langue qu’une didactique efficace pourrait être envisagée. L’inadaptation des méthodes de FLE-S, pointée du doigt à juste titre par Robert Chaudenson, ne doit cependant pas être l’arbre qui cache la forêt. C’est bel et bien la question de la formation des enseignants qui est à mettre en cause, les tergiversations et revirements déroutants des autorités éducatives, qui sont à questionner. Les défis à relever par l’Université nouvelle des Seychelles (inaugurée en novembre 2010) en matière de formation des professeurs de français, et qui pourra compter pour ce faire sur l’expertise reconnue de l’A.F., seront déterminants pour maintenir l’influence de notre langue dans ce pays.

Fabrice Barthélémy
Maître de conférences
Didactique du Fle/s
Université de Franche-Comté.
(Directeur de l’Alliance française de Victoria, de 2008 à 2010)


Voir aussi :

http://www.allianceseychelles.org/ 
http://www.unisey.ac.sc/news/lillettrisme-ou-linvention-récente-dun-véritable-problème-de-société