Michèle Sellier
Inspectrice générale de l'Éducation nationale
Rectrice d'académie
Sous-directrice du français à la DGCID
au ministère des Affaires étrangères
(janvier 1999-mars 2002)

RAPPORT D'ACTIVITÉ
en tant que sous-directrice du Français
à la direction générale de la Coopération internationale et du Développement
au ministère des Affaires étrangères
du 1er janvier 1999 au 31 mars 2002


I. Le contexte dans lequel s'inscrit l'action de la sous-direction du Français

  1. La relation ambiguë des Français à leur propre langue

  2. La culture dominante du ministère des Affaires étrangères

  3. Les effets de structure administrative

II. La stratégie, les moyens et les méthodes de la sous-direction du Français

  1. Une stratégie pour le français existe…

  2. …mais elle n'est pas validée

  3. Des moyens contestés, mais maintenus dans leur ensemble

  4. Des méthodes privilégiées de conduite de projets

III. Les réalisations

  1. L'amélioration de la qualité de l'enseignement

  2. Le soutien à la modernité et à l'innovation

  3. Le souci d'une meilleure lisibilité des dispositifs

  4. Actions volontaristes en direction de nouveaux publics

  5. Actions réalistes de promotion de la diversité des langues et des cultures

  6. Les efforts de communication

  7. Exigence de solidarité et d'aide au développement

Conclusion


Au terme de trois ans et trois mois d'activités de sous-directrice du Français à la DGCID au ministère des Affaires étrangères, je rends compte du travail effectué. En janvier 1999, j'ai été mise à disposition auprès du ministère des Affaires étrangères par le ministère de l'Éducation nationale, à la demande de Monsieur François Nicoullaud, directeur général de la Coopération internationale et du Développement, en accord avec les cabinets des ministres des Affaires étrangères et de l'Éducation nationale. Le présent rapport est donc destiné à chacun des deux ministères.

Mes prédécesseurs ont travaillé dans un contexte largement analogue à celui que j'ai connu. Par rapport à leurs contributions, la mienne fut relativement courte, bien qu'un délai de trois ans soit considéré à la DGCID comme normal avant une nouvelle affectation à l'étranger. Je laisse à mon successeur, dans un contexte difficile ayant peu évolué, une sous-direction qui présente à son actif un certain nombre de réalisations et qui a, dans l'ensemble, plus ou moins conservé ses moyens, mais qui souffre d'une absence de politique validée et soutenue.


I. Le contexte dans lequel s'inscrit l'action de la sous-direction du Français

Le contexte dans lequel s'inscrit l'action de la sous-direction pèse sur sa capacité d'agir tant pour des raisons profondes, d'ordre culturel, que pour des raisons plus conjoncturelles, liées à l'organisation même du ministère des Affaires étrangères.

1. La relation ambiguë des Français à leur propre langue

Le statut de la langue française dans le monde a changé, sans que les Français, dans leur ensemble, n'en aient encore pris acte. Il n'est plus comparable à celui de l'anglais et l'on peut s'en lamenter. Néanmoins, dans un monde aujourd'hui menacé d'uniformisation, le français conserve des atouts non négligeables si l'objectif devient la lutte pour la préservation de la diversité des langues et des cultures. Depuis dix ans, en effet, le nombre d'apprenants de français augmente à nouveau. Cela n'empêche que les Français semblent hésiter entre la défense agressive d'une langue à valeur universelle dont on déplore le recul et une attitude défaitiste de soutien à la langue française considérée comme une cause perdue : celle de "la corde du pendu".

Une telle ambiguïté est largement répandue à tous les niveaux du ministère des Affaires étrangères et au sein même de la DGCID. C'est ainsi que, trop souvent, on continue d'assimiler la chute de l'effectif d'apprenants de français dans les établissements culturels à une perte dramatique d'influence de notre langue dans un pays donné, alors qu'en fait, il peut s'agir d'un changement de politique linguistique de ce pays entraînant au contraire une hausse du nombre d'élèves apprenant le français dans le système éducatif (cas de l'Espagne ou de la Grèce).

Tandis que le français demeure l'une des priorités affichées de la DGCID et que tous les discours confortent la cause du français, le doute s'est installé dans les esprits. A quoi servent les actions pour le français ? Faut-il y consacrer tant de moyens ? Que font réellement les attachés de coopération pour le français dans les postes diplomatiques ? Faut-il même conserver une sous-direction du Français ?

2. La culture dominante du ministère des Affaires étrangères

La promotion de la langue française apparaît trop souvent (et à tort) au ministère des Affaires étrangères comme une affaire de pédagogues. Pendant de longues années, le soutien à la langue française a consisté à envoyer sur le terrain des professeurs enseigner la langue et concevoir des méthodes et des sujets d'examen. De telles opérations de pure substitution sont, depuis longtemps, condamnées (bien qu'elles aient, à leur époque, correspondu à des nécessités) et elles sont remplacées par des actions de coopération avec les acteurs étrangers. L'image demeure néanmoins : le français serait affaire de "cracheurs de FLE" (FLE signifiant "français langue étrangère"), de "pédagos à courte vue, enfermés dans leur jargon, les mains pleines de craie" ! Il est vrai que la plupart des responsables de la promotion du français, tant à Paris que dans les postes à l'étranger, appartiennent au ministère de l'Éducation nationale et ne sont que des contractuels en position de détachement limité dans le temps, sans défense ni cursus professionnels organisés.

Le monde de l'Éducation nationale, où les syndicats sont puissants, apparaît souvent aux diplomates (malgré certains rapprochements récents) comme un univers étranger, voire ennuyeux. On peut regretter que si peu de diplomates s'impliquent dans l'action de promotion du français, à un moment ou à un autre de leur carrière.

Ce point trouve sa parfaite illustration dans le fait que, traditionnellement, on pensait à la DGCID que l'action linguistique n'avait pas de lien avec le service des Affaires francophones, service du quai d'Orsay dirigé par un diplomate. Les Affaires francophones étaient considérées comme "politiques", alors que l'action pour le français ne l'était pas. Je me réjouis donc des relations que nous avons pu nouer avec ce service, depuis trois ans, en particulier dans l'articulation de nos actions avec celles des institutions de la Francophonie.

3. Les effets de structure administrative

Depuis plus de vingt ans, l'action dite "linguistique" en faveur de la langue française s'est trouvée ballottée au gré des réformes, tantôt individualisée, tantôt liée à l'action culturelle et éducative. C'est dans un climat de profond scepticisme, du moins chez les collègues les plus anciens de la sous-direction, que s'est mis en place un nouvel organigramme le 1er janvier 1999. Plusieurs points méritent d'être relevés.

Dans les faits, fort heureusement, les difficultés liées à l'organigramme ont souvent pu être surmontées grâce à la compétence, au professionnalisme et à la bonne volonté des agents de la DGCID soucieux de coopérer. Tel était l'un des effets recherchés par l'organigramme.

Alors que la décision avait été prise de fusionner le ministère des Affaires étrangères et celui de la Coopération, l'organigramme a permis une intégration réussie des personnels des deux ministères, chaque agent apportant la richesse de sa culture propre. Il faut cependant souligner que de nombreux agents se sont retrouvés à la sous-direction du Français alors qu'ils étaient dépourvus de la moindre expérience dans le domaine de la promotion du français.


II. La stratégie, les moyens et les méthodes de la sous-direction du Français

Dans ce contexte difficile (pour mes prédécesseurs comme pour moi-même et mes successeurs…), la sous-direction du français a mis en œuvre une stratégie en faveur de la langue en utilisant les moyens à sa disposition et en choisissant les méthodes appropriées.

1. Une stratégie pour le français existe…

Si l'on reconnaît le bien fondé de l'analyse réaliste du changement de statut de la langue française depuis un siècle (et tous ceux qui ont eu la charge de la promotion du français au ministère des Affaires étrangères l'ont sensiblement fait dans les mêmes termes), les grandes orientations de la stratégie pour le français s'imposent d'elles-mêmes. Cette analyse et les orientations qui en découlent ont fait l'objet d'un texte de six pages, distribué comme base de discussion lors d'une journée de réflexion sur le français langue étrangère et le français langue seconde en France et à l'étranger, organisée à la maison de l'UNESCO le 15 mars 2002. Le texte, résultant de nombreux débats à l'intérieur de la sous-direction du Français, a abouti à un consensus en son sein.

L'analyse prend acte du statut actuel du français et de la nécessité de savoir, à la fois, l'adapter et le préserver. Alors que le français se trouve pris entre la pression du discours sur la mondialisation et les réactions de repli identitaire qu'elle provoque, il doit s'imposer, non comme une grande langue "régionale", mais comme une langue d'influence mondiale dont le nombre d'apprenants progresse régulièrement. Les réels atouts du français ont déjà été soulignés par mes prédécesseurs : présence sur les cinq continents, au nord et au sud, rayonnement de la culture française, statut de langue internationale inscrit dans les textes, maintien dans le monde d'un important dispositif confortant son rayonnement.

Forte d'une telle analyse, qui reconnaît à la fois sa singularité, sa richesse et sa vocation internationale, la langue française se trouve engagée dans le combat pour la diversité culturelle et linguistique et s'inscrit résolument dans un multilinguisme international. Tel est l'axe stratégique essentiel d'une politique qui nous conduit à rechercher des alliés non seulement dans les institutions de la Francophonie et auprès des francophones et des francophiles dans le monde, mais aussi auprès des locuteurs d'autres langues, eux aussi convaincus que les langues constituent un bien commun de l'humanité à sauvegarder.

La stratégie se décline ensuite selon des zones géographiques et en fonction de certains publics cibles.

Au sein de chacune des zones, les stratégies doivent nécessairement être infléchies en fonction de la situation de tel ou tel pays ou région. C'est pourquoi des sous-ensembles ont été pris en compte, tels les pays anglophones, arabophones ou de langue latine.

…mais elle n'est pas validée

Bien que la sous-direction du Français dispose toujours de moyens conséquents, les orientations stratégiques énoncées ci-dessus n'ont pas fait l'objet d'une validation claire de la part de la DGCID et du cabinet du ministre. Pourquoi ? Dans un domaine voisin, la sous-direction de la Coopération culturelle et artistique, à la suite du rapport du parlementaire Yves Dauge sur les établissements culturels, a pu élaborer une charte, qui a été approuvée au terme de nombreuses semaines de discussion et au prix de nombreuses modifications. Les orientations stratégiques pour le français auraient pu, elles aussi, faire l'objet d'une charte reprise par le ministre lui-même et communiquée à l'extérieur.

L'absence d'un texte approuvé n'est pas fortuite. Elle reflète des interrogations au sein des Affaires étrangères : sur ce qu'il convient de faire pour la promotion du français, sur les moyens qu'il faut y consacrer, sur le positionnement souhaitable de la sous-direction du Français dans l'organigramme de la DGCID, sur son existence même et sur le profil de ses responsables.

En juin 2001, un ambassadeur disait au ministre qu'il y avait "trop d'attachés linguistiques qui ne servent à rien". Il avait décidé, pour sa part, de n'en garder que deux sur quatre et de transformer les deux postes ainsi récupérés. Sa position, bien que contestée à l'origine par la DGCID, avait en définitive été suivie par le cabinet du ministre. Ce dernier considérait, en effet, qu'il fallait poursuivre la politique de déflation des attachés de coopération pour le français (ACF), à condition cependant de ne pas réduire le nombre d'agents du réseau. Cet épisode montre, à l'évidence, les réserves du ministère quant au rôle et au nombre des attachés de coopération nécessaires à la promotion du français.

L'importance de la langue française n'est certes remise en cause par personne : le ministre des Affaires étrangères lui-même, M. Hubert Védrine, employait à son sujet, dans un entretien accordé à la revue Rezo en automne dernier, le terme de "disque dur" de notre pensée. Le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, M. Charles Josselin, et son cabinet, ayant également autorité dans le domaine du français, ont toujours été d'un grand soutien. Il n'empêche que les circonstances n'ont malheureusement pas permis l'adoption d'une charte officielle du français dans le monde.

2. Des moyens contestés, mais maintenus dans leur ensemble

Les moyens dont a disposé la sous-direction du Français sont restés importants et se sont, dans l'ensemble, maintenus, en dépit de vicissitudes. Ils consistent, dans le monde, en un important dispositif, mobilisé pour la promotion du français : un réseau d'établissements, d'outils et de programmes et un ensemble d'agents disposant de crédits significatifs.

Un réseau exceptionnel d'établissements

L'important réseau de l'Agence des établissements français à l'étranger (AEFE) comporte 270 établissements qui sont en mesure de scolariser chaque année plus de 158 000 élèves, dont près de 60 % d'étrangers. Le réseau des établissements de la Mission laïque française (20 000 élèves) complète celui de l'AEFE, une concertation fructueuse s'étant nouée entre les deux institutions. Dans une vingtaine de pays, 100 000 élèves sont scolarisés dans les sections bilingues homologuées par le ministère de l'Éducation nationale dans les établissements étrangers. En outre, plus de 25 000 élèves sont inscrits dans les classes bilingues de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), dans cinq pays appartenant à la Francophonie institutionnelle. De l'ordre de 600 000 élèves suivent des sections à français renforcé, en particulier en Liban.

On évalue à 82 millions le nombre d'élèves apprenant le français dans l'ensemble des systèmes éducatifs (dont 10 % en première langue). La France apporte son aide selon les cas, en particulier pour la formation des enseignants. Les centres et instituts français à l'étranger offrent des cours à plus de 160 000 élèves. Les Alliances françaises, dont 220 sont financièrement aidées par le MAE, touchent près de 375 000 jeunes et adultes apprenant le français. La France apporte également son soutien aux départements d'université et aux filières universitaires francophones.

Des outils et des programmes essentiels

Tout ce dispositif s'accompagne des outils indispensables à la communication des idées : le livre, les télévisions, les radios, la toile, les revues… et les produits multimédias toujours plus nombreux en français. Il propose, outre les diplômes que dispensent les universités, un ensemble de certifications et de tests permettant de valider les compétences acquises en français. C'est ainsi que les diplômes DELF et DALF, délivrés par le ministère de l'Éducation nationale, continuent d'affirmer leur succès : 200 000 inscrits au DELF et 27 000 au DALF en l'an 2000 dans le monde.

Le dispositif s'appuie aussi sur des échanges d'assistants : 26 000 assistants français à l'étranger et 6 546 postes destinés en 2001 aux assistants étrangers en France.

Le MAE finance enfin toujours un réseau important de boursiers : 21 884 en 2000 (contre 22 171 en 1990). Parmi eux, plus de 3 000 sont des boursiers étrangers suivant des cours de français langue étrangère (FLE) en France.

Des moyens en crédits et en personnels menacés

Les crédits

Les crédits consacrés au français représentent une part significative de l'ensemble des crédits de la DGCID. C'est ainsi que les crédits "géographisés", dont disposent les postes à l'étranger, correspondent en moyenne à 13 % des crédits totaux. Ils peuvent atteindre 50 % de la programmation dans certains pays, en particulier au Maghreb.

Il s'y ajoute des crédits centraux dont dispose la sous-direction, ainsi que les crédits pour les projets FSP (Fonds de solidarité prioritaire, 18 projets pluriannuels en cours pour les pays de la zone de solidarité prioritaire) et les crédits pour les projets adoptés en COCOP (Comité de coordination des projets) dans les pays d'Europe centrale et orientale, les Balkans et les pays de la CEI (51 projets approuvés en 2002).

Au total, le MAE consacre 60 millions d'euros (près de 400 MF) à la promotion du français. Il conviendrait d'y ajouter les sommes versées par la France aux institutions de la Francophonie et effectivement consacrées au français.

Les personnels

Plus d'un millier de personnes restent employées à l'étranger pour la promotion du français. Ce sont :

A ce total de 736 personnes, il convient d'ajouter les 270 postes de titre III attribués aux Alliances françaises et les 47 postes d'assistants techniques gérés par DDCT dans des projets à dominante éducative.

Toutefois, si l'on compare les chiffres de 2000 à ceux de 1995, on constate une diminution importante du nombre d'agents : baisse de 22 % du nombre d'attachés linguistiques / ACF de titre III, baisse de 55 % du nombre d'agents de titre IV, coopérants et recrutés sur place, sans compter la chute du nombre de CSN (moins 60 %). En 2001, seuls les stagiaires FLE en milieu militaire connaissent une augmentation (plus 50 %).A l'évidence, les doutes que le ministère des Affaires étrangères entretient depuis de nombreuses années sur la pertinence même des fonctions des agents chargés de la promotion du français se répercutent sur les moyens en personnels, lesquels ont toujours été suspectés d'être trop nombreux pour les tâches à effectuer, ceci d'autant que ces tâches ne sont pas clairement définies. Depuis un ou deux ans, la baisse d'effectifs s'est cependant ralentie.

La question des lettres de mission

S'il est demandé aujourd'hui au français de devenir "transversal" (sans que ce terme peu explicite fasse l'unanimité), c'est-à-dire de former partie intégrante de divers projets, il faudrait alors clairement définir les nouvelles fonctions des ACF, voire inscrire dans les lettres de missions des autres attachés de coopération (universitaires, éducatifs, culturels, audiovisuels, scientifiques…) le degré d'importance des actions qu'ils ont à mener pour le français.

On a beaucoup reproché, dans le passé, aux attachés linguistiques de s'enfermer dans la pédagogie et de rester uniquement entre professeurs. Aujourd'hui, on attend des agents une approche plus stratégique de "conduite de projets" : ils doivent se montrer de plus en plus "polyvalents", tout en conservant la capacité de mettre en œuvre des projets purement linguistiques. Dans cette nouvelle optique, il conviendrait d'attribuer à chaque attaché de coopération pour le français une lettre de mission approuvée par l'ambassadeur et par les services à Paris, précisant la nature de l'action attendue et des éléments d'évaluation de cette action. A charge pour l'agent de rendre compte régulièrement de son action et de rédiger au minimum un rapport de fin de mission conforme à un schéma type.

Selon les postes, en effet, la part d'activité consacrée aux systèmes éducatifs, à l'enseignement supérieur ou à l'audiovisuel peut varier. De surcroît, il est regrettable que chaque direction ou sous-direction thématique se considère par trop propriétaire de ses agents. La nécessaire polyvalence souhaitée des agents en poste, en particulier dans les petits postes, exigerait une autre organisation. A ce jour, chacun approuve le principe des lettres de mission, sans que ce principe ne se soit encore traduit dans les faits, sauf cas particulier. Cette situation est source de malaise, tant chez les agents, dont le travail n'est pas toujours reconnu, que chez les ambassadeurs, qui continuent de trop souvent s'interroger sur ce que diable peuvent faire leurs attachés pour le français. Alors s'impose dans les esprits l'idée que les postes d'ACF sont trop nombreux, de sorte qu'on cherche systématiquement leur transformation en postes d'une autre nature, selon les besoins. Les attachés de coopération pour le français ont tendance à constituer ce qu'on a appelé une "variable d'ajustement", un réservoir de moyens dans lequel chacun peut puiser sans dommage. Et pourtant, lorsque le nombre d'ACF tombe dans un pays en dessous d'un minimum, certes toujours difficile à apprécier, le français peut en souffrir gravement : tel fut le cas en Égypte. Heureusement, le phénomène a récemment pu être enrayé.

On peut conclure cependant que la sous-direction du français a continué de bénéficier des moyens importants que la France consacre à la promotion de sa langue, y compris à travers l'action croissante des collectivités territoriales.

3. Des méthodes privilégiées de conduite de projets

La confiance faite aux personnels

Dans un contexte difficile, la meilleure manière de procéder consistait (à mon avis) à s'appuyer sur l'ensemble des personnels chargés de la politique du français tant à Paris que dans les postes, à leur faire confiance et à chercher à valoriser systématiquement leur travail. Associée à des degrés variables selon les époques au recrutement des agents, j'ai coopéré avec les services des ressources humaines du ministère et de la DGCID, en veillant dans toute la mesure du possible à une bonne adéquation des qualités et compétences de la personne avec le profil du poste à pourvoir. Je regrette cependant de m'être trouvée, comme d'autres services à Paris, mise devant le fait accompli du rejet de certains agents par leur ambassadeur ou leur conseiller culturel, sans avoir pu savoir clairement ce qui était reproché aux dits agents. Si je plaide pour la confiance à témoigner aux personnels, je souhaiterais cependant davantage de contrôle et d'évaluation de leur action, selon des critères pré-établis.

Le recours à quelques opérateurs sélectionnés

Étant donné que la sous-direction du Français comprend moins de trente personnes (ensemble des personnels des trois bureaux dont l'un, le bureau de l'appui logistique, est en fait commun aux deux sous-directions), le recours à des opérateurs s'impose. En la matière, la sous-direction a le choix entre diverses formules. Plutôt que de déléguer des tâches de façon ponctuelle, nous avons préféré privilégier deux opérateurs principaux : le CIEP et la FIPF (Fédération internationale des professeurs de français) et passer une convention cadre avec chacun. Ce choix ne nous a pas interdit de faire appel à telle ou telle autre institution quand cela nous a paru préférable, mais c'est la méthode de la convention cadre qui nous a permis de passer commande ou d'attribuer une subvention pour la réalisation des projets souhaités. Le CIEP apporte sa qualité d'établissement public français, ses compétences et son professionnalisme dans le domaine de l'enseignement du français. La FIPF regroupe les associations de professeurs de français à l'étranger : cela lui donne une légitimité particulière, qui justifie la confiance de la sous-direction.

Dans le même esprit, la mise en place de "conventions de partenariat sur objectifs" avec les Alliances françaises, qui sont des associations de droit local du pays d'implantation, devrait permettre de mieux suivre l'utilisation des moyens alloués au service d'une politique, ceci dans le respect de l'autonomie de ces associations.

En cas de conflits d'intérêts entre plusieurs opérateurs, la méthode de la négociation et de la "pression amicale" a toujours été privilégiée par rapport à celle de la manifestation de la puissance publique qui contraint.

Le partenariat nouveau avec les institutions de la Francophonie et les États et associations francophones

Alors que le ministère de l'Éducation nationale demeure le partenaire naturel du ministère des Affaires étrangères (partenariat qui n'a certainement pas encore donné tous les fruits qu'on pourrait en attendre), des relations nouvelles ont été nouées entre la sous-direction du Français et les institutions de la Francophonie. Ces relations se sont établies par l'intermédiaire du service des Affaires francophones (SAF) et nous ont amenés à participer, avant le futur Sommet de Beyrouth, aux négociations sur les programmes de ces institutions (inscrits dans le Biennum), pour la partie concernant le soutien à apporter à la langue française.

Les relations avec chacune des institutions de la Francophonie ont évolué et ont donné lieu à des conventions particulières et à des financements croisés.

En résumé, la sous-direction du français peut s'appuyer avec bénéfice sur l'aide précieuse que les francophones et les francophiles sont susceptibles de lui apporter à travers le monde. Elle n'est pas seule à assurer une responsabilité qu'elle peut et doit partager.


III. Les réalisations

De 1999 au début de 2002, la sous-direction a mené à bien un certain nombre de projets. Ils résultent d'un travail en commun effectué par l'ensemble des agents de la sous-direction, en étroite liaison avec leurs collègues en poste et en collaboration avec les autres services de la DGCID à Paris. Ces projets s'appuient sur des partenariats réussis avec des institutions françaises et étrangères.

Je ne parlerai pas du travail considérable effectué au profit de la réforme de l'AEFE et de la gestion de ses personnels. Ce fut l'œuvre du directeur de la DCCF, M. Jean Garbe, qui, avec toute sa compétence et son professionnalisme, a pris en charge ce dossier, en s'assurant le concours de deux personnes de la sous-direction du Français. Je mentionne, de la même manière, le projet FLAM (français langue maternelle), qui a aussi vu le jour sous la responsabilité du directeur. Ce programme, appelé à se développer, donne satisfaction aux Français de l'étranger qui, scolarisant leurs enfants dans les systèmes éducatifs du pays de résidence, souhaitent néanmoins les inscrire à des cours de français afin de leur permettre de conserver une bonne maîtrise de leur langue maternelle.

Les réalisations qui peuvent être mises à l'actif de la sous-direction s'articulent autour de plusieurs thèmes : l'amélioration de la qualité de l'enseignement, le soutien à la modernité et à l'innovation, le souci d'une meilleure lisibilité des dispositifs, le caractère résolument volontariste de la recherche de nouveaux publics, le réalisme de l'action inscrite dans le combat pour la diversité des langues et des cultures et les efforts faits en matière de communication ainsi que ceux déployés pour répondre à une exigence de solidarité et d'aide au développement.

1. L'amélioration de la qualité de l'enseignement

L'existence de bons francophones dans le monde exige qu'à un moment donné de leur vie, ils aient bénéficié d'un enseignement de qualité. L'une des tâches essentielles de la sous-direction et des agents en poste, qui demande beaucoup de professionnalisme de leur part, est de soutenir par tous les moyens la qualité de l'enseignement dispensé en français.

Comme dans le passé, des efforts importants ont donc été accomplis pour la formation des professeurs et la formation de formateurs. L'heure n'est plus à la substitution (des enseignants français se substituant à des professeurs étrangers), mais à la coopération avec les partenaires étrangers, en accompagnement de leurs efforts. Le soutien à la formation concerne en priorité les professeurs des sections bilingues et des sections à français renforcé, mais aussi les professeurs à l'intérieur des différents systèmes éducatifs, tout particulièrement les systèmes qui ont décidé d'introduire le français comme deuxième langue vivante dans le cursus scolaire.

La qualité des cours dispensés dans les universités devrait aussi être exemplaire, notamment celle des cours de "français sur objectifs spécifiques" proposés aux étudiants en vue de leur prolongation d'études en France. De meilleurs liens sont prévus entre les centres et instituts et les universités à cet effet, mais ces liens sont encore largement à construire. On peut regretter, de façon générale, que notre action n'ait pas davantage porté sur l'enseignement du français dans les universités, certains départements de philologie romane, par exemple, continuant de donner du français une image très traditionnelle.

En revanche, un effort particulier a été consenti en direction du théâtre en milieu scolaire. Des stages de formation à l'intention des professeurs ont été financés. La sous-direction a privilégié un partenariat avec l'association "Vents et marées" et a décidé de passer une convention avec cette association, composée de véritables professionnels.

La recherche de la qualité de l'enseignement concerne aussi les centres, instituts et Alliances françaises. Une négociation entre l'AFP (Alliance française de Paris) et le CNED (Centre national d'enseignement à distance) a pu aboutir afin de réduire le coût de préparation à distance du DAEFLE (diplôme d'aptitude à l'enseignement du français langue étrangère). La sous-direction a commencé à encourager la préparation de ce diplôme dans les Alliances françaises de quelques pays d'Amérique latine, mais beaucoup reste encore à faire dans ce domaine.

La question de l'évolution du français

La recherche indispensable de la qualité de l'enseignement ne doit cependant pas reposer sur une pédagogie encore trop culpabilisante de la "faute" (d'orthographe, de grammaire, etc.). La langue française comporte certes toujours des pièges, qui ont fait les délices de Bernard Pivot et de certains érudits étrangers. Cela n'empêche que le Conseil de l'Europe, lors de l'Année européenne des langues en 2001, a mis l'accent sur les compétences "partielles", qui peuvent faciliter la communication .

De surcroît, il n'existe plus un seul français mais plusieurs langues françaises, que différents peuples se sont appropriés dans le monde. Alors que l'Académie française assume sa difficile fonction de garant de notre langue, le français, en France et hors de nos frontières, continue de s'enrichir de mille façons : "défense de giraffer" dit-on parfois en Afrique pour interdire à un élève de copier en classe

L'enseignement du français aux étudiants étrangers en France

Les étrangers qui souhaitent venir étudier le français en France doivent eux aussi être assurés de la qualité de l'enseignement dispensé. Chaque année, des centres privés ou publics et des universités sont nombreux à proposer des formations de FLE. Le ministère des Affaires étrangères, qui consacre des crédits importants à l'envoi de stagiaires dans ces différentes institutions, les a répertoriées dans une publication annuelle. Cependant, aucune évaluation de la qualité des formations qui y sont dispensées n'existe. En outre, ces centres emploient un nombre important de personnels vacataires en situation précaire. La journée de réflexion organisée à l'UNESCO le 15 mars 2002 et consacrée au FLE et au FLS (français langue seconde) en France et à l'étranger n'avait pas pour objectif de traiter de cette question (elle est de la compétence du MEN), mais elle a permis de mesurer combien l'attente était forte. Si la venue d'étudiants étrangers en France constitue une priorité politique, encore faut-il que ces étudiants soient bien accueillis et qu'ils reçoivent des formations de qualité leur permettant de faire valider leur niveau acquis en français. C'est pourquoi le MEN et le MAE ne peuvent que souhaiter la réunion d'un groupe de travail sur ce sujet.

L'appui à la FIPF

Que ce soit en France ou à l'étranger, le professeur, pour dispenser un enseignement de qualité, doit se sentir valorisé et soutenu. C'est pourquoi une aide particulière a été apportée à la FIPF et aux associations locales de professeurs de français. Il a été demandé aux agents en poste de ne jamais se contenter d'une attribution de subvention à ces associations, mais de veiller à établir un véritable partenariat avec elles.

L'appui à la FIPF a connu un moment fort lors du congrès mondial des professeurs de français qui a eu lieu à Paris, au palais des Congrès, en juillet 2000. Cette manifestation, largement subventionnée par le MAE, a permis de fédérer les efforts de nombreuses institutions mobilisées pour son succès. Elle a attirée à Paris plus de 3000 professeurs venus du monde entier. Inaugurée par M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, elle a été clôturée par M. Jack Lang, ministre de l'Éducation nationale et par M. Lionel Jospin, Premier ministre. Pendant cinq jours, les débats ont apporté la preuve de la grande qualité de l'enseignement du français et des recherches menées dans ce domaine.

2. Le soutien à la modernité et à l'innovation

La sous-direction a soutenu la création et la diffusion de produits innovants d'apprentissage du français à l'intention des professeurs et des élèves. Ces produits sont essentiels pour faciliter l'apprentissage de la langue et pour contribuer, dans le même temps, à l'image de modernité du français. La sous-direction a apporté son aide tant au livre, aux manuels et aux méthodes qu'aux programmes audiovisuels et aux produits en ligne et multimédias.

Deux ouvrages ont été édités avec le soutien de la sous-direction :

En matière audiovisuelle, la sous-direction a coproduit, acquis et adapté des programmes en vue de leur diffusion sur des télévisions étrangères. A titre d'exemples : Pique Nique, coproduit par trois télévisions scandinaves et diffusé dans plus de cinquante pays, Reflets, coproduit avec Hachette et actuellement en cours d'adaptation en espagnol et en portugais à l'intention des pays d'Amérique latine, ou encore Clips pour apprendre, qui permet d'apprendre le français en chantant grâce à Jean-Jacques Goldman, Patricia Kaas, Khaled…

Le système Vifax, dispositif multimédia alliant à l'origine la vidéo et le fax et, aujourd'hui, la vidéo et Internet, mérite une mention particulière. Il consiste en une exploitation pédagogique des journaux télévisés mise chaque jour à la disposition des enseignants. Ce dispositif, conçu par une équipe de l'Université de Bordeaux II et soutenu par l'AIF, connaît un succès grandissant : il touche près de 500 établissements dans 42 pays et concerne plus de 100 000 élèves. Il doit son succès à un partenariat efficace entre les concepteurs du produit, les services culturels des ambassades et les organismes locaux.

Les produits Internet

L'effort le plus significatif de la sous-direction a porté sur les produits Internet. A notre arrivée, nous avions hérité d'un projet de méthode d'apprentissage du français sur Internet qui avait échoué à la suite d'un différend entre les pédagogues et les informaticiens. L'abandon de ce projet a coûté très cher au ministère. Nous n'avons pas voulu reprendre un projet du même type, mais nous étions prêts à soutenir un nouveau projet. Cependant, aucune méthode ayant fait ses preuves n'existe encore à ce jour pour l'apprentissage du français uniquement par ordinateur. Le projet le plus avancé paraît être celui du CNED mais, outre Internet, il devrait s'appuyer aussi sur divers supports, audio et papier, et mobiliser à distance des tuteurs.

A la suite de la commande d'une étude sur le sujet à l'École normale supérieure Lettres et Sciences humaines de Lyon, deux universitaires, M. François Mangenot et Mme Anthippi Potolia, nous ont remis une étude typologique et comparative des ressources en ligne existantes. Leur conclusion est catégorique : "Il n'existe pas et il ne saurait sans doute exister aujourd'hui un ensemble pédagogique complet tout fait qui, entièrement en ligne, proposerait une solution globale à un autodidacte débutant en français. Les "cours" existants en ligne actuellement, quelle que soit la langue considérée et surtout lorsqu'ils sont d'accès gratuit, se révèlent être soit des produits d'appel ou des compléments de méthodes papier, soit des ensembles disparates et fragmentaires, soit des sites spécialisés dans un type de connaissance ou un domaine de spécialité". Malgré les demandes pressantes dont nous étions l'objet, nous n'avons pu mettre en ligne une véritable méthode d'apprentissage du français et nous restons convaincus qu'en l'état actuel des techniques, le "tout Net" ne permet pas encore d'apprendre seul une langue. (Qui a déjà passé 300 heures seul devant son ordinateur à cet effet ?)

Aujourd'hui, les produits soutenus par la sous-direction du français dans le domaine des multimédias existent, mais ils demeurent insuffisamment connus. Ils mériteraient d'être promus par une opération de communication d'envergure.

3. Le souci d'une meilleure lisibilité des dispositifs

Plusieurs dispositifs d'enseignement du français et en français coexistent à l'étranger, selon les attentes des publics intéressés et les réponses qui peuvent y être apportées. Ces dispositifs vont d'un enseignement entièrement en français et conforme aux programmes français (tel qu'il est dispensé dans les établissements du réseau de l'AEFE ou dans celui de la MLF) jusqu'à la possibilité offerte de suivre uniquement quelques heures de cours dans un centre ou institut français. Toutes les formules intermédiaires existent : les élèves peuvent choisir d'apprendre le français, au sein des systèmes éducatifs étrangers, dans des classes bilingues, dans des classes à français renforcé ou, tout simplement, suivre les cours de français prévus au programme dans le primaire ou le secondaire, en particulier dans les pays qui font le choix d'introduire dans leur cursus notre langue en deuxième langue vivante. Les étudiants peuvent aussi suivre des cours de français intensif ou de français de spécialité, surtout s'ils souhaitent poursuivre leurs études en France. La DGCID peut également les encourager à suivre en France des stages dans des centres spécialisés ou dans les universités.

La sous-direction du Français a soutenu les différentes possibilités d'apprendre le français offertes aux étrangers, mais elle n'a pas eu la possibilité d'évaluer l'efficience de ces différentes formules. Quel est, au moindre coût, le dispositif qui donne les meilleurs résultats ? A quel âge et dans quelques conditions est-il le plus rentable d'apprendre une langue ? Il est certain que la réponse sera variable d'un pays à l'autre, mais une telle étude, difficile à réaliser, mériterait d'être entreprise.

Les établissements de l'AEFE

Nous nous sommes également engagés dans une politique consistant à transférer, de l'AEFE à la sous-direction du Français, la gestion des établissements qui relèvent davantage de l'enseignement bilingue dans le cadre d'un système éducatif étranger que de l'enseignement français sous la responsabilité de la France. Plusieurs établissements sont déjà concernés, en particulier le lycée franco-australien de Sydney. (L'AEFE attribuera à la sous-direction du Français un poste pour lui permettre de faire face à ce surcroît de travail.) Cette politique devrait être poursuivie, même si elle se révèle très délicate. Elle est évidemment nettement moins onéreuse pour la France.

Il serait également souhaitable que les établissements de l'AEFE deviennent davantage des instruments de coopération au bénéfice des systèmes éducatifs étrangers et fassent déjà une large part à l'enseignement de la langue et de la culture du pays. (Il existait encore, il y a trois ans, des établissements qui scolarisaient des enfants étrangers sans leur donner de cours de la langue de leur pays.) Certains établissement sont déjà largement impliqués dans une telle coopération. Mais, en ce domaine également, il s'agit d'une politique difficile à mener, car il ne faut pas se cacher qu'elle ne correspond pas toujours aux vœux des parents.

Certifications et tests

En matière de certifications et de tests, la meilleure lisibilité possible doit être recherchée. Il est, en effet, nécessaire que tout effort accompli dans l'apprentissage du français puisse être validé. Il est important aussi qu'en Europe, les certifications existantes soient conformes aux normes définies par le Conseil de l'Europe. Ces dispositifs doivent également être reconnus tant au niveau académique que par les milieux professionnels. Il existe aujourd'hui plusieurs institutions compétentes dans ces domaines, qui constituent par ailleurs un marché. Les principales sont les suivantes :

En outre, pour les ressortissants des pays hors de l'Union européenne, il existe toujours un test linguiste d'accès aux premiers cycles des universités françaises, organisé par la direction de l'Enseignement supérieur du MEN. Il faut également signaler que des universités étrangères organisent leur propre test de français, comme par exemple l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.

A l'évidence, une telle situation n'est pas très satisfaisante. Elle s'est toutefois améliorée depuis quelques mois. Le CIEP et l'Alliance française de Paris (AFP), après plusieurs rencontres, ont trouvé un terrain d'entente. La CCIP et le CIEP, que nous avons également tenté de rapprocher, demeurent en bonnes relations, mais l'une et l'autre attendent de pouvoir négocier en position de force en fonction de la réussite de leur test respectif, selon les milieux et selon les pays. Nous ne pouvons qu'encourager un accord rapide entre ces deux établissements publics français.

Au delà des problèmes institutionnels, l'essentiel demeure le succès que connaissent ces certifications et ces tests, auxquels le nombre de candidats ne cesse d'augmenter (plus de 200 000 inscrits au DELF en 2000, soit deux fois plus qu'en 1993, présents dans 116 pays). Une avancée très importante a été réalisée, il y a deux ans, quand l'Italie a décidé de faire reconnaître, par des institutions compétentes étrangères, le niveau en français, en anglais et en allemand atteint par les élèves italiens des collèges et des lycées. Pour le français, c'est le CIEP, en accord avec l'AFP, qui a été retenu. Des négociations se sont alors engagées avec le MEN pour la reconnaissance de diplômes "DELF en milieu scolaire", ces diplômes étant conformes par ailleurs aux normes du Conseil de l'Europe. Il s'agit là d'un dispositif essentiel pour le français en Europe et qui devrait rapidement être repris dans d'autres systèmes éducatifs. Certains Länder allemands ainsi que la Suisse font déjà passer le DELF dans leurs propres systèmes scolaires.

En outre, nous avons encouragé le CIEP à poursuivre la simplification de l'administration des diplômes. En particulier, la formule consistant à proposer aux postes à l'étranger des sujets conçus à Paris semble connaître un réel succès.

Il est important également, pour favoriser l'accueil des étudiants étrangers en France, que le MEN puisse encourager les universités françaises à recourir au TCF pour mesurer le niveau de français de leurs futurs étudiants. Le MEN a été saisi de cette question.

4. Actions volontaristes en direction de nouveaux publics

L'apprentissage de la langue française n'est plus nécessairement inscrit dans les traditions familiales comme par le passé. Des actions volontaristes sont nécessaires pour convaincre les familles de l'utilité du français, voire pour maintenir le français dans des milieux professionnels qui l'avaient toujours employé.

Les efforts doivent d'abord se porter en milieu scolaire. Si le nombre d'apprenants de français augmente, c'est surtout grâce au développement de l'enseignement du français en deuxième langue vivante obligatoire ou à option. Les systèmes éducatifs européens (Espagne, Italie…), mais aussi ceux du Moyen Orient (Syrie, Liban, Qatar…) ou ceux d'Asie du Sud-Est (Vietnam en particulier), ont été systématiquement encouragés et soutenus dans leur politique d'enseignement du français. Au Liban, il s'agit même de convaincre les familles qu'il est préférable de faire apprendre aux enfants le français avant l'anglais. Aujourd'hui, dans ce pays, le français se maintient encore relativement bien en première langue étrangère enseignée.

Publics adultes

En direction des publics adultes, nous avons poursuivi et intensifié la politique menée en faveur des fonctionnaires européens : depuis 1996, 5 000 fonctionnaires ont bénéficié de cours, soit dans leur pays d'origine, soit à Bruxelles au CELF ou à Strasbourg et Luxembourg. Les publics visés sont également les interprètes et les traducteurs ainsi que les journalistes. En dehors de l'Union européenne, les pays candidats à l'adhésion constituent une cible privilégiée. Des pays comme la Lettonie (bientôt suivie par les autres pays baltes) ont décidé au plus au haut niveau politique que tous leurs hauts fonctionnaires devraient être capables de maîtriser dans les trois prochaines années le français. C'est pourquoi, devant l'ampleur de la politique à mener dans l'ensemble des pays candidats, un "plan pluriannuel d'action pour le français en préparation de l'élargissement de l'Union européenne" a été élaboré. Ce plan conjugue les efforts de la France avec ceux de la Communauté française Wallonie-Bruxelles et du Luxembourg. L'AIF en est co-signataire depuis le 11 janvier 2002. La sous-direction du Français, ainsi que l'AIF, ont décidé, cette année, de faire bénéficier le plan de crédits très importants, sachant que le nombre de fonctionnaires à former dans les prochaines années est évalué à 7 000. Le plan concerne aussi les milieux (essentiels) de l'interprétation, de la traduction et des médias. En outre, il prévoit de promouvoir, dans le domaine des techniques de l'information et de la communication, l'usage du français comme langue de travail au sein des institutions européennes.

Nous avions, en concertation avec la CCIP, envisagé de mener une politique en direction des milieux économiques. Il est notamment regrettable que les entreprises françaises à l'étranger ne favorisent pas systématiquement les jeunes qui, outre leur langue maternelle et l'anglais, ont une bonne connaissance du français. Mais nous n'avons pas eu le temps de véritablement nous consacrer à ce dossier, bien que le français dit "sur objectifs spécifiques" ait été largement soutenu.

En revanche, nous sommes heureux d'avoir pu, grâce à une collaboration fructueuse avec la direction de la coopération militaire du MAE, rapprocher utilement les attachés militaires des services culturels et développer ainsi un enseignement du français en direction des militaires dans leur pays d'origine.

Sportifs et jeunes

L'action menée en direction des publics sportifs a également été un succès, tout spécialement à l'occasion des Jeux olympiques, à Sydney, puis, dans un contexte encore plus difficile, à Salt Lake City. Nous avons apporté un appui à la formation de bénévoles et des traducteurs professionnels et à la réalisation de lexiques français-anglais et d'un site Internet. L'AIF a également apporté sa contribution aux JO de Salt Lake City. Les médias ont ainsi pu souligner que le français demeure la langue des JO. La sous-direction est à présent engagée dans la préparation des JO d'Athènes et doit prévoir, dès maintenant, ceux de Pékin.

On peut considérer également que tous les programmes en vue de promouvoir la mobilité et les échanges sont à inscrire dans le cadre d'actions volontaristes de nature à attacher durablement à la langue française de nouveaux publics. C'est dans cet esprit que la sous-direction a poursuivi non seulement des attributions essentielles de bourses et de stages, mais qu'elle a aussi favorisé les concours. Encouragée par le succès qu'avait connu le concours Allons en France au moment où les Français remportaient la coupe du monde de football, la sous-direction du Français, en coopération avec le bureau des échanges de jeunes et du sport de haut niveau de la DGCID, a regroupé à Paris, en 2000, des jeunes des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne. En 2001, elle a invité des jeunes venant de tout le pourtour méditerranéen et elle va, en 2002, continuer d'accueillir à Paris des jeunes (185 en prévision) autour de l'œuvre de Victor Hugo, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

5. Actions réalistes de promotion de la diversité des langues et des cultures

Le français n'est plus l'unique langue universelle des élites de la planète. Mais il conserve un bel avenir devant lui s'il demeure une langue d'influence mondiale, engagée dans le combat pour la diversité culturelle et linguistique et vecteur d'idées nouvelles. C'est pourquoi nous n'avons pas cherché à assurer la promotion de la langue française contre les autres langues, en particulier contre l'anglais, qui bénéficie désormais d'un statut à part. Nous n'avons néanmoins pas occulté le fait que le français peut se trouver en concurrence, selon les pays, avec d'autres langues. Le réalisme et le pragmatisme doivent prévaloir en la matière.

En Europe, et notamment en Europe centrale et orientale, l'allemand peut apparaître comme un concurrent. Toutefois, si nous estimons que le plurilinguisme reste une idée neuve à promouvoir en Europe, nous devons favoriser une coopération entre les grandes langues européennes. Nous avons commencé à Bruxelles, grâce à l'action dynamique et innovatrice de l'Alliance française, à mener des actions communes au sein d'un consortium réunissant des centres culturels de sept pays européens. Cette politique pourrait être poursuivie ailleurs en Europe, en respectant certes les intérêts de chacun, et donner ainsi une idée forte de la pensée européenne.

Le français dans les systèmes éducatifs étrangers

Le plurilinguisme passe nécessairement par l'enseignement d'au moins deux langues vivantes étrangères dans les systèmes éducatifs. C'est ce combat pour la diversité que nous avons poursuivi, en soutenant tous les pays et États qui introduisent une deuxième langue vivante dans leur cursus, que ce soit en Europe, aux États-Unis, au Moyen-Orient ou en Asie (Une étude sur le français "deuxième langue" a été réalisée à notre demande, en 2002, par nos collègues Bernard Mis et Georges Zask.)

Selon les zones géographiques, les stratégies ne sont pas de même nature.

6. Les efforts de communication

Si, en matière de communication, de gros efforts ont été accomplis, ils restent très insuffisants par rapport à ce que la situation exigerait.

En juin 2000, à l'occasion du Congrès mondial des professeurs de français à Paris, nous avons conçu une plaquette sur le français dans le monde autour des quatre thèmes suivants : "le monde change", "les chiffres parlent", "la langue française s'impose" et "les réseaux se mobilisent". La ligne graphique s'inspirait de celle adoptée par la DGCID, qui n'avait pas fait l'unanimité des milieux de la communication du Quai d'Orsay. Cette plaquette a été distribuée à des milliers d'exemplaires, elle a fait l'objet d'un retirage et elle est restée d'actualité pendant deux ans.

Les deux grandes rencontres des professeurs de français que nous avons soutenues pendant la période 2000-2002 ont été très largement médiatisées. Le congrès mondial de la FIPF (juin 2000, à Paris) a fait, dès le début de la semaine, la une de plusieurs journaux et a ensuite bénéficié d'une excellente couverture. En juin 2001, à Rio de Janeiro, les SEDIFRALE, réunissant plus de mille professeurs de français des Amériques, ont connu le succès qu'elles méritaient dans la presse et la télévision, brésiliennes en particulier. Nous avons tenu à soutenir financièrement le spectacle organisé et retransmis par TV5, qui avait fait appel aux écoles de samba.

A plusieurs reprises, nous avons soutenu des projets de TV5 et aussi ceux de la société Equipage qui produisait Bouillon de culture de Bernard Pivot. Nous avons notamment contribué au Bouillon de culture consacré à la langue française qui a eu lieu à Sarajevo en 2001.

Des programmes spécifiques contribuant à modifier l'image du français dans le monde devraient être davantage conçus et diffusés à la télévision. C'est dans cette optique que la sous-direction a décidé d'apporter son aide à la réalisation d'une fiction appelée Kadi jolie, œuvre d'un réalisateur burkinabé de grand talent, Idrissa Ouedraogo, destinée à être diffusée prochainement à la télévision en plusieurs épisodes.

Dans la perspective de toucher non seulement les professeurs de français mais aussi un large public, on peut rappeler que des produits d'appel, comme Retrouver le sourire, ont été mis sur Internet mais n'ont pas encore fait l'objet d'une campagne de lancement d'envergure. Il en va de même du site portail franc-parler.org, destiné à rapprocher les professeurs de français dans le monde et qui devrait, après qu'un large accord soit intervenu sur son graphisme et sur son contenu, faire l'objet d'une grande campagne de communication.

La revue Le Français dans le monde

Il n'est pas dans notre esprit de ramener la revue Le Français dans le monde, confiée à la FIPF, à un simple outil de communication. Mais cette revue, qui demeure aujourd'hui la seule à la disposition des professeurs de français, constitue à la fois un outil pédagogique indispensable pour soutenir un enseignement du français moderne et de qualité et un lien entre tous les professeurs de français. La FIPF, en acceptant de prendre la responsabilité de cette revue lors de son Congrès mondial en juillet 2000, a décidé en même temps d'en faire son organe de liaison et de communication entre associations. Avec notre soutien financier, la FIPF s'est engagée dans une politique de diffusion adaptée au pouvoir d'achat des zones desservies. C'est ainsi que, dans certains pays, le prix d'abonnement annuel (six numéros et deux CD audio) a pu être diminué de moitié. Plusieurs milliers d'abonnements continuent d'être pris en charge par les postes à l'étranger. La consultation du site sur Internet est en augmentation. Cependant, le prix de l'abonnement demeure trop élevé. Des formules de production locale de la revue devront être mises à l'étude. Un fonds de solidarité prioritaire consacré à la revue en direction d'un public africain pourrait également être envisagé. Le nouvel éditeur, Clé International, a accepté de prendre en charge les risques financiers qu'implique la revue. Mais il est convenu qu'au terme de trois ans, si l'équilibre financier n'est pas atteint, tant la DGCID que l'AIF (qui finance un supplément, Francophonies du Sud) pourront reconsidérer le montant de leur participation.

7. Exigence de solidarité et d'aide au développement

C'est dans une optique d'aide au développement que des programmes de soutien à l'enseignement de la langue française figurent dans près d'une vingtaine de projets pluriannuels "fonds de solidarité prioritaire" (FSP) dans les différents pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire (ZSP), essentiellement en Afrique, en Amérique centrale et en Asie. Certains projets sont entièrement consacrés à l'enseignement de la langue et principalement au soutien de la formation de formateurs en vue d'améliorer la qualité de l'enseignement. D'autres projets sont à dominante éducative, avec une composante "enseignement du français".

Des nombreux projets adoptés en COCOP (Comité de coordination des projets) en direction des pays d'Europe centrale et orientale, de la CEI (Communauté des États indépendants) et des Balkans sont consacrés au français. Il s'agit de projets pluriannuels d'une grande importance dans cette zone du monde au moment où se prépare l'élargissement de l'Union européenne. La sous-direction s'est beaucoup investie dans des projets d'aide à l'enseignement du français dans les Balkans, en particulier au Kosovo. C'est dans ce pays, qu'avec l'aide de la MLF conjuguée à celle de l'Allemagne, la sous-direction a contribué à l'ouverture de classes européennes à fort contenu symbolique.

C'est également dans le souci de répondre à une exigence de solidarité avec le peuple afghan que la DGCID s'est unanimement mobilisée à la fin de 2001 et en 2002 pour apporter sa contribution à la reconstruction de ce pays. L'Afghanistan ne fait pas partie de la zone de solidarité prioritaire et ne relève pas de programmes existants. La DGCID a eu à cœur de faire face aussi rapidement que possible à la situation et de mettre en place des programmes spécifiques d'aide. En matière d'enseignement, l'effort s'est concentré sur la remise en état pour le 22 mars des deux grands lycées franco-afghans de Kaboul, le lycée Esteqlal pour les garçons et le lycée Malalaï pour les filles. Le pari a été tenu. A la suite d'une levée de fonds effectuée auprès du public français par France-Culture, l'ONG ACTED a pu faire effectuer tous les travaux nécessaires à la réhabilitation des bâtiments fortement endommagées par les guerres, en réussissant à mobiliser plus de 300 ouvriers et spécialistes sur le chantier. La DGCID, en conjuguant ses efforts avec ceux du MEN, a privilégié l'AEFE comme opérateur (bien que les deux lycées soient des établissements afghans) et s'est donnée les moyens de recruter et d'envoyer à Kaboul le personnel français nécessaire au fonctionnement des deux établissements, ainsi que les crédits indispensables au démarrage du projet. La politique d'aide à la rénovation de l'enseignement du français en Afghanistan doit être désormais poursuivie, non seulement dans les deux lycées, mais à l'université, en privilégiant la formation des maîtres tant dans la capitale que dans l'ensemble du pays.


Conclusion

Au moment de quitter la DGCID, je voudrais remercier tous celles et tous ceux avec lesquels il m'a été donné de travailler, soit sous leur autorité, soit en collaboration. Je choisis de ne citer personne à l'exception de Monsieur François Nicoullaud, ancien directeur général de la DGCID, qui m'a fait confiance et m'a proposé de rejoindre la direction générale le 1er janvier 1999. J'avoue que j'ignorais réellement les difficultés auxquelles j'allais devoir faire face. J'étais motivée par le désir de contribuer à la promotion du français dans le monde après avoir participé pendant quatre ans, en tant que directeur du CIEP, à la même ambition.

En avril 2002, au moment de mon départ de la DGCID et de mon retour dans l'Inspection générale de l'Education nationale, je suis très reconnaissante au MAE de m'avoir permis de contribuer à des projets passionnants. Je regrette de ne pas avoir été en mesure de faire "mieux et davantage" et je souhaite à mon successeur tout le succès possible dans l'exercice difficile mais intense de cette fonction.