Français pour étrangers : la crise

L'Est Républicain - 31.01.2008

Les professeurs de français langue étrangère dénoncent la non-reconnaissance de leur métier dans un contexte où, paradoxe, l'intégration passe par l'apprentissage.


Thierry Lebeaupin :
« La réalité du FLE : précarité, non-reconnaissance.

Serge Borg :
« Un centre académique a été créé. »

Quand on veut devenir professeur d'anglais ou de mathématique, il suffit de passer un Capes. Point de diplôme permettant d'intégrer l'Éducation nationale en revanche pour ceux qui se destinent à l'enseignement du français langue étrangère (FLE). Paradoxalement, jamais en France, on a autant parlé de la nécessité d'intégration des étrangers par l'apprentissage de la langue. Du coup, la colère pointe partout en France. Des collectifs se montent pour dénoncer la précarité vécue par les profs de FLE, souvent surdiplômés mais dont le métier n'est pas reconnu. Contrats horaires pour les uns dans les centres de FLE, longues périodes d'inactivité pour les autres. On comprend dès lors pourquoi le préfet de Rhône-Alpes a déclenché une crise profonde en écartant les professionnels du FLE au profit de personnel retraité dans sa mise en place du plan d'apprentissage du français tel que voulu par le gouvernement. Thierry Lebeaupin est professeur au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon. Mais l'homme est aussi au conseil syndical national du Sgen de l'Étranger et surtout membre du collectif FLE - FLS. « En 2003, avec l'instauration du contrat d'accueil et d'intégration, un examen linguistique a été mis en place. Il s'agit du Dilf. Et nous réaffirmons que l'enseignement doit être porté par des professionnels.» « Le constat est là : les différentes politiques d'intégration ont échoué. Et cela va beaucoup plus loin que l'enseignement du français pour les nouveaux arrivants. On constate que des deuxième ou troisième générations ont de sérieux problèmes pour l'acquisition de la langue française. L'intervention de professeurs formés au français langue étrangère et français langue de scolarisation est indispensable, même dans la scolarité normale. Et pourtant, on continue à ne rien faire.»

Une convention

Serge Borg, directeur du CLA, est au courant du mouvement de mauvaise humeur qui se répand un peu partout. « Mais nous ne sommes pas concernés. Nous avons des professeurs précaires, il est vrai, mais dans une proportion vraiment limitée. Et nous bénéficions du soutien de l'université.» « Quant à la crise autour de l'enseignement aux nouveaux arrivants, elle existe mais des solutions sont possibles. Au départ, le Français langue étrangère était une discipline tournée vers l'international, le rayonnement de la langue dans le monde. Il s'est avéré que la problématique a débarqué en France avec de grands défis sociaux d'intégration. Le CLA a toujours pris en compte cette mission sociale. Nous avons même alerté le rectorat. Une convention a été signée et a débouché sur la création du centre académique de scolarisation pour les nouveaux arrivants et les gens du voyage qui est abrité au 5e étage du CLA.» Ce centre travaille sur des outils, des méthodologies adaptées. « Nous sommes d'ailleurs pilote en France.» La crise du FLE sera-t-elle sauvée par les outils franc-comtois ? Pas sûr. D'autres problèmes existent. Les collectifs s'engagent aussi sur le front de la politique des flux et de restriction de l'accueil des étrangers. Une autre histoire.

Eric DAVIATTE