Situation du français dans le monde

L'enseignement du français hors de France

| Des effectifs considérables | Évolutions entre 1984 et 1994 |
| À l'échelle de la planète |

A l'occasion du dixième anniversaire de sa création, le Haut Conseil de la Francophonie a présenté dans son rapport de 1994 les résultats d'une enquête qu'il a organisée sur l'enseignement du français hors de France (hormis l'enseignement aux adultes) auprès des postes diplomatiques français dans 135 pays.

Les données ainsi recueillies doivent être traitées avec prudence, en raison de la faiblesse des appareils statistiques dont disposent la plupart des ministères de l'Éducation.

Il convient, par ailleurs, de souligner la diversité des situations d'apprentissage du français qui conduisent à regrouper l'ensemble des élèves et étudiants qui sont inscrits dans des classes de français, de la maternelle à l'université, que le français soit leur langue maternelle (comme au Québec, dans la Communauté française de Belgique ou dans les cantons francophones de Suisse), leur langue d'enseignement (notamment en Afrique au sud du Sahara) ou qu'ils l'étudient comme 1re, 2e ou 3e langue étrangère à raison de quelques dizaines de minutes par semaine, durant, parfois, 3 ou 4 ans seulement.

On comprend, dans ces conditions, le parti qui a été pris par le Haut Conseil de la Francophonie de comparer les informations fournies par les ambassades de France à dix ans d'intervalle, en 1994 et 1984. Ces données comparatives permettent de fonder sur des bases assez fiables des évolutions statistiquement significatives même si leur globalisation demeure sujette à caution.

Des effectifs considérables

À l'échelle de la planète : 57.537.000 en 1994 (ils étaient 55.218.000 en 1984)

Neuf pays comptaient, en 1994, plusieurs millions d'élèves et étudiants de français : le Zaïre, le Royaume-Uni, le Canada, l'Algérie, le Maroc, Madagascar, le Cameroun, la Roumanie et la Belgique.

Dans huit autres pays, leur nombre se situait entre 1 et 2 millions : la Côte-d'Ivoire, l'Italie, l'Égypte, l'Allemagne, les États-Unis, la Russie, la Tunisie et Haïti.

Dans neuf autres, il se situait entre 0,5 et 1 million : le Sénégal, le Togo, le Burkina-Faso, le Congo, le Bénin, le Mali, le Liban, la Guinée et la Colombie.

Le français est présent dans les systèmes éducatifs de toutes les régions du monde. Ce privilège, qu'il ne partage actuellement qu'avec l'anglais, est l'héritage d'une expansion dont la première vague a été portée par les croisades et qui a culminé à la fin du XIXe siècle après avoir été marquée principalement par la constitution du 1er empire colonial de la France aux XVIe et XVIIe siècles, puis par le rayonnement culturel des Lumières et des conquêtes napoléoniennes.

Cette longue histoire peut permettre de comprendre leur répartition très inégale dans le monde. Sur 100 élèves et étudiants qui apprennent le français :

L'expansion géographique du français est devenue une raison d'apprendre cette langue.

L'intensité des échanges économiques, culturels et humains des Français, des Wallons et des Suisses romands avec leurs voisins explique sans doute que leur langue conserve sa prédominance dans les systèmes éducatifs du Royaume-Uni et du Maghreb. Malgré des reculs sensibles dans plusieurs pays, elle continue à être étudiée en 1994 par plus de 17 millions d'élèves ou d'étudiants dans l'ensemble des pays d'Europe en dehors de la France (contre 14 en 1984).

La francophonie militante des Québécois est certainement déterminante pour les progrès de l'enseignement du français au Canada.

La proximité de la francophonie africaine est à l'origine de l'intérêt que manifestent pour l'enseignement du français les 7 pays anglophones et lusophones de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Le souci de commercer et dialoguer avec leurs voisins francophones se manifeste aussi dans la politique éducative de pays comme l'Ouganda, le Zimbabwe ou l'Afrique du Sud.

La relance de la francophonie dans la péninsule indochinoise éveille, de même, l'intérêt de pays comme la Thaïlande ou l'Indonésie pour l'enseignement du français comme langue du développement (étant admis, évidemment, qu'il ne peut y être que très minoritaire).

On peut supposer que la présence du français dans les Antilles ou à la Réunion n'est pas étrangère à la situation, jugée encourageante, du français dans les systèmes éducatifs de la Caraïbe anglophone ou hispanophone et dans les îles de l'océan Indien.

À la dispersion géographique des foyers de la francophonie, correspond une grande diversité des raisons subjectives que l'on peut avoir aujourd'hui d'apprendre le français : langue de la modernité technologique, d'Ariane, d'Airbus ou du TGV autant que de la cuisine et de la mode vestimentaire ; langue porteuse de valeurs politiques et morales autant que de traditions culturelles du Nord et du Sud, de l'Occident et de l'Orient : langue de plusieurs grandes littératures, de films, de chansons, du sport, etc.

Plus de 900 000 instituteurs et professeurs enseignent aujourd'hui le français (et pour la majorité d'entre eux, en français) hors de France. Ils sont plus de 400 000 en Afrique francophone, plus de 200 000 en Europe de l'Ouest, plus de 100 000 au Maghreb, 70 000 en Amérique du Nord, 50 000 en Amérique latine, 50 000 en Europe du Centre et de l'Est.

Les associations membres de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) agissent dans une centaine de pays pour que le français conserve sa place dans les programmes d'enseignement et pour que soient améliorés la formation des maîtres, leur statut social, le matériel mis à leur disposition.

Évolutions entre 1984 et 1994

Au niveau des États, on peut retenir la hausse spectaculaire du nombre d'élèves et d'étudiants de français au Zaïre, passée (sous toute réserve) de 1 à 6 millions.

Le Royaume-Uni et le Canada ont franchi la barre des 4 millions, le Maroc celle des 3 millions, le Cameroun, la Belgique et Madagascar celle des 2 millions, la Tunisie celle du million. Le Burkina Faso, le Mali et la Guinée celle du demi-million.

En sens inverse, l'Italie a régressé de 2,137 millions à 1,771 million, l'Allemagne de 1,715 à 1,437 million, l'Espagne, surtout, de 1,505 à 0,257 million, la Suède de 222 000 à 68 000, l'Irlande de 195 000 à 74 000.

Comme en Espagne, la chute est nette au Sénégal (de 1,281 à 0,968 million) et au Liban (de 0,81 à 0,539 million).

Au niveau des régions, le nombre des élèves et étudiants de français a diminué en Afrique subsaharienne, en Amérique latine, au Proche et Moyen-Orient, en Asie-Océanie. Mais il a augmenté en Europe, au Maghreb et en Amérique du Nord, suffisamment pour assurer la stabilité du total mondial.

Ces évolutions divergentes ne sauraient être interprétées sans que soient pris en compte les taux de natalité et de scolarisation.

Le taux d'enseignement du français a augmenté de 14 points depuis 1984 en Afrique subsaharienne francophone alors que le nombre des élèves et étudiants de français a diminué de 1,2 million.

Cette région est la seule dans le monde a avoir connu un recul de la scolarisation (alors que le nombre des enfants scolarisables a sans aucun doute augmenté) : le nombre total des élèves et étudiants y est en baisse de quelque 7 millions, mais les scolarisés apprennent presque tous aujourd'hui en français. Cela est dû, notamment, au retour du français comme langue de la scolarisation, décidé par les nouveaux responsables politiques de Madagascar et de Guinée après l'échec dans ces deux pays de la nationalisation des langues d'enseignement.

Il a diminué de 14 points au Maghreb où le nombre d'élèves et étudiants de français a beaucoup moins progressé (+ 1,137 million) que la population scolaire (+ 4,5 millions). Tels sont sans doute les effets conjugués de l'arabisation de l'enseignement et du développement de la scolarisation.

À taux d'enseignement du français à peu près constant (entre 20 et 21 %), le nombre des élèves et étudiants de français a augmenté (de 1,4 million) en Europe occidentale hors de France, en raison, sans doute, de la croissance du taux de scolarisation dans le second degré, renforcée par le développement de l'apprentissage des langues étrangères qui est encouragé par les instances éducatives et politiques européennes.

En Amérique du Nord, de même, tous les paramètres sont à la hausse : le nombre des élèves et étudiants augmente (de 2,5 millions), le nombre des étudiants de français augmente parallèlement (de quelque 0,5 million), le taux d'enseignement du français gagne plus d'un point malgré les progrès de l'espagnol et des langues asiatiques dans les systèmes éducatifs des États-Unis et du Canada grâce, peut-être, au développement de l'immersion au Canada anglophone et aux effets de la Loi 101 au Québec.

Le taux de l'enseignement du français a progressé en Europe centrale et orientale, passant de moins de 5 à plus de 6,5 %, ainsi que le nombre d'étudiants de français (+ 1,8 million). Le français a certainement profité dans cette région (loin derrière l'allemand et l'anglais) de l'abandon de l'enseignement obligatoire du russe et du développement corrélatif, depuis 1990, des langues "occidentales".

L'enseignement du français a reculé au contraire en nombre et en taux au Proche et Moyen-Orient, notamment au Liban où le nombre des étudiants de français est passé de 0,8 à 0,5 million, en Turquie (de 0,231 à 0,085 million), alors que le nombre total des élèves et étudiants augmentait de plus de 3 millions dans la région.

Il en va de même en Amérique latine où le nombre des étudiants de français a diminué en Colombie (de 0,720 à 0,508 million), au Brésil (de 0,4 à 0,275 million), alors que le nombre total des élèves et étudiants dans la région augmentait de 14 millions.

Le recul est significatif en Afrique non francophone où le nombre d'étudiants de français a diminué de moitié alors que le nombre total des élèves et étudiants a augmenté de 4,5 millions.

Quant à l'Asie-Océanie, le taux d'enseignement du français n'y diminue que de 0,29 à 0,21 %. Mais il s'agit d'une région où le nombre total des élèves et étudiants a augmenté de 120 millions en 10 ans et a dépassé le demi-milliard.

À l'échelle de la planète

En dix ans, le nombre des étudiants de français hors de France a progressé de quelque 2 millions. Mais, dans le même temps, la population scolaire augmentait d'environ 150 millions. Il en résulte que la place du français dans l'ensemble des systèmes éducatifs en dehors de la France a diminué : en 1984, près de 7 élèves ou étudiants sur 100 apprenaient le français ou en français dans le monde. Ils n'étaient plus que 6 en 1994.

Le taux d'enseignement du français est, en effet, relativement élevé dans deux régions où la population scolaire n'atteint pas, au total, 35 millions (Afrique francophone au sud du Sahara et Maghreb).

Il est au contraire très faible dans les régions où sont concentrées les grosses masses d'élèves et étudiants (plus de 700 millions si l'on regroupe Asie-Océanie, Amérique latine et Afrique non francophone).

Entre ces deux extrêmes, il varie de 7 à 20 % dans un ensemble où se trouvent 220 millions d'élèves ou d'étudiants (Europe, Amérique du Nord, Proche et Moyen-Orient).

Les 17 pays de langue arabe sont de très loin les plus accueillants pour l'enseignement du français puisque 24 % des élèves ou étudiants y apprennent le français.

Loin derrière, on trouve avec un taux de 10 % les pays où l'anglais est ou est devenu langue de l'enseignement.

Ce pourcentage tombe à 2 ou 3 % dans les 20 pays hispanophones et les 6 pays lusophones.

Telles sont, actuellement, grâce au Haut Conseil de la Francophonie, les données disponibles concernant l'enseignement du français hors de France.

Cette enquête n'apporte pas d'informations sur le degré de maîtrise du français auquel parviennent les élèves et étudiants de français et sur la durabilité de leurs acquis.


Une politique pour le français, Ministère des Affaires étrangères, DGRCST