OUVERTURE DU ONZIEME CONGRES MONDIAL
DE LA FEDERATION INTERNATIONALE
DES PROFESSEURS DE FRANCAIS (FIPF)

Message du président de la République


ALLOCUTION
DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION,
AU DEVELOPPEMENT ET A LA FRANCOPHONIE,
M. XAVIER DARCOS

 (Atlanta, 19 juillet 2004)

Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF),
Madame la Ministre du Québec,
Madame la Mairesse d'Atlanta,
Madame la Secrétaire perpétuelle de l'Académie française,
Monsieur le Président de la FIPF,
Madame la Présidente de l'Association américaine des professeurs de français (AATF),
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux d'être parmi vous ce matin pour inaugurer, au nom des autorités françaises, le 11ème Congrès mondial de ce grand partenaire qu'est pour nous, depuis près de quarante ans, la FIPF. Je remercie pour leur accueil les responsables de la Fédération et de l'association hôte, l'Association américaine des professeurs de français, et je salue la présence de Madame la Mairesse d'Atlanta, qui nous fait l'honneur d'être avec nous pour cette séance d'ouverture.

La Fédération internationale des professeurs de français est un partenaire à la fois singulier et indispensable.

Singulier, parce que sa force et son originalité résident en ce qu'elle fédère et est chargée d'animer à travers le monde des associations regroupant des dizaines de milliers d'individus, enseignants de français mais aussi militants du français, qui œuvrent dans le monde entier au service de la langue et de la culture françaises. L'existence de ce réseau de solidarité et de conviction honore les francophones maternels que nous sommes.

Indispensable, parce qu'à l'heure de la mondialisation et de l'accélération des échanges, y compris culturels et intellectuels, les Etats, et en particulier les Etats centralisés comme le mien, doivent apprendre à déconcentrer vers le terrain, en l'occurrence vers des organisations associatives, les actions qui seront menées plus efficacement de cette manière.

Si l'impulsion et l'exemple doivent continuer de venir du centre, je crois personnellement beaucoup en la pertinence de projets conçus et développés directement entre les postes et les associations.

Mesdames et Messieurs,

Vous exercez, dans des conditions parfois difficiles, le plus beau métier du monde.

Notre époque en quête de sens a éminemment besoin de médiateurs, or l'enseignant est par fonction un médiateur : médiateur entre le savoir qu'il est chargé de transmettre et les individus qu'il est chargé d'instruire. Lorsque l'objet de son enseignement est une langue étrangère, sa fonction médiatrice me paraît décuplée. Car il transmet certes un code langagier mais aussi tout un patrimoine : l'histoire d'un ou de plusieurs peuples et nations, un héritage littéraire et artistique, une vision du monde.

Et toujours, il travaille sur une matière vivante, la langue, qui évolue en même temps qu'elle se découvre : il n'est pas un traducteur, qui donne du sens à un corpus de mots, il est un passeur de culture, qui met en mouvement et fait se rencontrer deux imaginaires.

Que l'on me pardonne cette image empruntée au vocabulaire sportif mais, à quelques semaines de l'ouverture des Jeux olympiques d'Athènes, je dirais que vous êtes, toutes et tous, des relais de la langue française et de la francophonie : relais entre les générations, relais entre les cultures.

Parce que nous avons conscience de votre rôle irremplaçable en la matière, nous apportons traditionnellement un soin particulier à vous soutenir dans vos activités.

Ainsi, chaque poste culturel français déploie très généralement un volant de mesures qui vous sont, à vous enseignants de français langue étrangère, spécifiquement destinées.

Celles-ci vont de la subvention annuelle à l'association locale d'enseignants de français à l'organisation et à la prise en charge d'actions de formation, sur place ou en France, au moyen de bourses.

Il peut s'agir également d'opérations d'animation du réseau sous la forme de concours, comme le programme annuel "Allons en France", dont j'ai reçu à Paris cette semaine les lauréats 2004, ou sous la forme de festivals.

Entrent enfin dans ce cadre la conception et la mise à disposition de documentation et de produits pédagogiques actualisés, y compris dans le domaine de l'audiovisuel éducatif et des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.

Pour mieux répondre à vos attentes et aux besoins éducatifs et culturels d'aujourd'hui, le ministère des Affaires étrangères s'est efforcé récemment d'élaborer et de mettre en place un certain nombre de programmes sectoriels régionaux. Ces programmes correspondent à une vision que nous voulons différenciée de notre action de promotion de la langue française à travers le monde.

Loin de nous l'idée et le désir d'entonner le chant facile du grand déclin de la langue française. Celui-ci fait de manière récurrente les délices d'une presse et d'une littérature, à la fois nostalgiques et alarmistes et qui sont d'ailleurs essentiellement françaises. Ce discours de l'inhibition ne nous mènerait à rien.

C'est dans l'action que nous voulons rester et avancer. Aussi préférons-nous concevoir le défi qui s'offre à nous - car il y a effectivement un défi à relever - comme la réponse à apporter non à un phénomène de déclin général, mais à un phénomène de diversification de la demande pour notre langue à travers le monde.

Qui dit demandes diversifiées dit réponses plurielles et adaptées. Ce sont non pas une mais des politiques du français qu'il nous revient de définir, en liaison avec nos partenaires les plus concernés, comme la FIPF par exemple.

Ainsi en Europe, l'enjeu principal nous paraît être de faire vivre le plurilinguisme. L'Europe est par nature une mosaïque : mosaïque de peuples, de cultures et de langues. Elle constitue donc un véritable laboratoire pour le plurilinguisme. Que chaque jeune citoyen en formation se voie offrir la possibilité d'apprendre deux langues européennes en plus de sa langue natale et l'Europe plurilingue sera une réalité.

Le rôle des enseignants de français est central pour atteindre cet objectif. Le ministère des Affaires étrangères organisera à la rentrée à l'intention des professeurs de français des dix pays entrants de l'Union européenne, de la Roumanie et de la Bulgarie, l'opération "100 profs pour une Europe plurilingue", point de départ d'un vaste plan de formation pluriannuel.

En Afrique, principal bassin démographique francophone, nous sommes très impliqués dans le suivi des Etats généraux de l'enseignement du français en Afrique francophone, qui ont été organisés pour la première fois l'année dernière par l'Organisation internationale de la Francophonie. Y ont été abordés des thèmes primordiaux pour l'avenir du français dans cette région du monde : celui de l'accueil des enfants les plus jeunes dans leur langue maternelle, celui de la modernisation des apprentissages, celui de la formation des enseignants, souvent dépourvus d'outils pédagogiques actualisés et attractifs.

La coopération française souhaite également travailler en Afrique à créer des passerelles entre le français, langue des savoirs et le français, langue de la vie. La langue française ne doit pas être cantonnée dans la classe, elle doit continuer d'être une langue partagée : entre générations, entre voisins, entre tribus.

C'est pourquoi nous travaillons avec les medias locaux à améliorer l'environnement francophone en Afrique et notamment à donner au français à la radio et à la télévision une forme qui soit ludique et non pas arrogante ou encyclopédique. Cette réconciliation linguistique devrait aider le travail des enseignants africains, dont la tâche est immense et fondamentale pour que l'Afrique "tienne ensemble".

Dans les pays arabes, le "plan d'action pour le français dans le monde arabe" élaboré cette année par le ministère des Affaires étrangères en étroite concertation avec le ministère de l'Education nationale, comprend un important volet de mesures de formation initiale et continue des professeurs de français.

Il s'inscrit dans le cadre d'une réflexion collective qui a été menée sur les nouvelles formes de bilinguisme et de biculturalismes franco-arabes, dans les pays arabes mais aussi en France.

En Amérique latine, le "plan de relance du français" annoncé par Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, lors de son déplacement à Brasilia en février dernier, prévoit que la France contribue à la formation de 3 000 enseignants de français en trois ans sur le continent. Ce plan donne également la priorité à la diffusion de matériels audiovisuels éducatifs spécialement conçus pour la région.

Nulle part ailleurs qu'en Amérique latine, sinon peut-être en Russie - Mme Carrère d'Encausse pourrait me le confirmer, je n'ai si souvent entendu, à la question "pourquoi avez-vous choisi d'apprendre le français ?", cette réponse : "parce que le prof de français était différent et qu'il avait quelque chose en plus".

Mesdames et Messieurs,

Nous voulons que cette réponse, ô combien à l'honneur de votre profession et à la hauteur de votre engagement, continue de résonner. Nous vous aiderons donc à continuer d'être "différents", à avoir "ce quelque chose en plus" qui vous attire des enthousiasmes juvéniles et nourrit la francophonie mondiale.

Je souhaite à cet égard prendre plusieurs initiatives nouvelles :

La première sera la création d'un fonds d'innovation pédagogique, destiné à soutenir les projets les plus novateurs en matière d'enseignement du français langue étrangère conçus par les associations de professeurs.

Logé au ministère des Affaires étrangères, ce fonds sera doté dès 2005 de 100 000 euros annuels et son affectation pourra être décidée conjointement par le ministère et la Fédération, réunis au sein d'une commission annuelle de sélection. Les projets retenus feront l'objet d'une très large diffusion dans le réseau des associations, de manière à pouvoir être repris et éventuellement adaptés par d'autres.

Nous allons ensuite organiser des stages de formation aux techniques de recherche de partenariats au bénéfice des responsables d'associations.

Cette formule, confiée à des professionnels, a été expérimentée avec succès en 2002 à Paris avec les responsables de la Fédération brésilienne. Elle vise à donner aux responsables associatifs des outils pour les soutenir dans leurs démarches de recherche de partenariats et de recueil de fonds, publics et privés. Elle les aide plus largement à se constituer en véritable groupe de pression - nos amis américains parleraient de "lobbying"- à même de peser dans le débat éducatif et pédagogique.

Je voudrais enfin évoquer un élément central de la vie de notre communauté du français langue étrangère. Je veux évidemment parler de la revue "Le français dans le monde", qui constitue un outil pédagogique et culturel unique au service des enseignants et de la francophonie.

Je souhaite que cette excellence soit soutenue comme elle le mérite et qu'une impulsion déterminante soit donnée au développement et à la diffusion du français dans le monde. Le ministère prendra dès 2005 à sa charge 1 000 abonnements directs, au bénéfice de structures d'enseignement et d'enseignants isolés, ayant difficilement accès à du matériel pédagogique et à de l'information en français. Ce soutien s'ajoutera à la prise en charge par le ministère des Affaires étrangères de 550 abonnements à des tarifs modulés au bénéfice des associations de pays défavorisés.

Mesdames et Messieurs, le renforcement de la présence internationale du français est une question de volontarisme et de solidarité.

Reconnaissons ici, au pays de la "langue globale", qui nous accueille si chaleureusement, que l'anglais est probablement aujourd'hui la seule langue qui vienne à vous spontanément, où que vous vous trouviez sur le globe, alors que, bien souvent, on continue de devoir venir à la langue française.

Les raisons de ce choix du français sont d'ailleurs extrêmement diverses, parfois cumulatives.

Pour l'écrivain Andreï Makine, pour qui le français était la "langue grand-maternelle", c'est depuis l'enfance un dialecte familial et un argot intime. Beaucoup viennent au français par attrait pour la culture et notamment la littérature françaises ou bien par engagement en faveur des valeurs portées par le français et la francophonie. D'autres souhaitent valoriser un parcours étudiant ou professionnel. Certains y sont conduits par des nécessités d'affaires ou des motivations touristiques…

Quelles qu'elles soient, ces motivations doivent être accueillies, accompagnées, suscitées à l'occasion. Et c'est bien là que le volontarisme, le vôtre et le nôtre, doit jouer à plein.

Ce volontarisme serait vain et se muerait en velléité s'il n'était pas adossé à la solidarité qui caractérise la famille francophone et son rapport au monde. Le moment est venu de céder la parole au président Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie et président de ce congrès, qui incarne avec tant de dignité et de présence ces idéaux francophones.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous d'excellentes journées d'études et de convivialité./.